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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 08:05
Illisible souvenir

 

       « Souvenir illisible »

      Œuvre : Dongni Hou

 

 

***

 

 

Souvenir illisible disait-on de vous

Si bien que ma mémoire

N’en avait gardé nulle trace

Sauf cette vue paradoxale

D’un dos en partance

Pour je ne sais où

Etait-il au moins vrai

Je veux dire saisissable

Autrement que

Dans le voile du rêve

Avait-il une tenue

Une adresse

Un lieu où se montrer

Une peau qu’on eût dite

De pêche ou bien de nacre

 

*

 

J’inclinais pour la nacre

Son air de nuage

Sa consistance de brume

Ce genre de perdition

Que connaissent les amants

Du haut de leur vertige

Les poètes

Du fond de leur absinthe

 

*

 

Il est vrai j’étais un peu naïf

Sans doute attardé

Dans mes habits d’adolescent

Croyant à la force des mots

Aux pouvoirs des rêves

Aux séductions de l’esprit

Pour moi simplement

Prononcer votre nom

Vous n’en aviez pas

N’en auriez jamais

C’était convoquer le silence

Or je parais le silence

Des plus hautes vertus

Qui pouvaient échoir

A un gamin de mon âge

Faire surgir l’impossible

Guérir les lépreux

Mettre fin aux guerres

Multiplier les pains

Réduire la misère

Porter une femme

Plus haut que moi

Dans la beauté

Dans l’esprit

Dans le luxe

D’aimer

 

*

 

Voici j’ai bien vieilli

Mes tempes sont chenues

Des rides apparaissent

Ma marche est plus lente

Mon destin bien avancé

Et pourtant

En un recoin de mon âme

Ce mystère

Cet insondable

S’animent toujours

Les ondes qui parlent

De vous

Me ferez-vous face un jour

Enfin

Que je connaisse

Votre beau visage

Il ne peut être que celui

De la pure grâce

Comment pourrait-il

En être autrement

On n’a si joli dos

Qu’à fonder une énigme

L’ouvrir un jour

Aux chercheurs de beauté

Vous ne pouvez exister

À seulement offrir

Votre envers

Ce mutisme

Qui met à la torture

Vos voyeurs

Les mieux intentionnés

Ils meurent de vous connaître

Ne les laissez donc au supplice

Moi en premier dont la vie

N’a été que suspens

Longue parenthèse

Attente infinie

 

*

 

Mais peut-être est-il mieux ainsi

Demeurer

Sur le bord d’une joie

Inentamée elle peut encore

Fleurir

Epanouie elle est déjà

Un souvenir illisible

Ne croyez-vous pas à ceci

Jamais l’eau de la source

N’est meilleure

Qu’à être longuement attendue

Demeurant dans l’ombre

De la terre

 

*

 

Nous sommes déjà

Dans sa juvénile présence

Nubile elle se prépare

Aux noces qui feront

De deux chemins

Un unique sentier

Oui je me destine encore

 À vous

Dans la pliure pensive du jour

Cette pliure comme titre

D’un ancien texte

Avant même

Que je ne vous connaisse

Je vous l’offre du fond même

De qui je suis

Qui attend la lumière

L’instant de sa révélation

Oui les destins s’ouvrent

À qui sait attendre

 

*

 

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