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29 octobre 2023 7 29 /10 /octobre /2023 10:16
Un petit bout de l’énigme du Monde

Roadtrip Iberico…

À Voz do Mar…

Fortaleza de Sagres…

Portugal

Photographie : Hervé Baïs

 

*

 

   Observant cette belle photographie, nul ne manquera de s’interroger sur le contenu de l’image. C’est une pure évidence que de constater l’immédiate réalité de certains clichés. Une vue du Mont Blanc, de la lagune de Venise, de l’esplanade du Trocadéro à Paris n’ont besoin de nul commentaire, ils font partie de notre musée personnel depuis longtemps identifié, si bien que décrire ces paysages, ces lieux reviendrait à remettre sur le métier une navette cent fois sollicitée et sans doute un brin usée. Toujours nous avons besoin de nouveau et, surtout, d’inconnu, et plus encore, d’énigmes à résoudre, c’est là l’évident paradigme de toute activité de connaissance. Combien de livres lus, patiemment annotés, avec dans la marge la surprenante notation NF (pour Notions Fondamentales), avec des passages vigoureusement soulignés, donc pointés comme devant être relus, sitôt qu’abordés meurent sur la margelle des désirs inaccomplis. Le fameux « Éternel Retour du Même » n’a de sens que dans la mesure ou « le même » suppose de « l’Autre », c’est-à-dire où il se donne pour de l’étranger, sinon de l’étrange. Nous sommes ainsi faits les Hommes (les Femmes aussi, bien sûr) que le carré de terre défriché, retourné, ne présentant plus nul mystère, nous n’avons de cesse de trouver un coin de forêt vierge inexploré que nous placerons au centre de notre passion de découverte, laquelle est autant dénudement de Soi qu’inventaire de ce qui nous est naturellement éloigné.

   Alors, dans le but d’élargir le cercle de nos investigations, il nous faut faire retour amont en direction d’une autre Photographie d’Hervé Baïs qui mettait en scène ce même Fort de Sagres ici présent comme vu au travers d’une loupe.

Un petit bout de l’énigme du Monde

 

Fortaleza de Sagres

Photographie : Hervé Baïs

 

 

   Certes ce Fort est mystérieux, sa curieuse morphologie fait signe vers ces étonnantes ziggourats mésopotamiennes, édifices religieux à degrés dont il a du reste déjà été fait mention dans un article précédent portant sur l’image présentée ci-dessus. Genre de Babel babylonienne, ce Fort ne peut que bruire de la belle rumeur des langues anciennes sur lesquelles, encore aujourd’hui, nous reposons, au moins en partie. Et plus encore qu’une construction empilant les unes sur les autres les strates successives d’une architecture quasiment céleste, il nous invite à nous interroger sur ces cercles concentriques apparents dont l’équivalent pourrait bien trouver sa formulation dans la déconcertante structure du labyrinthe. Ce « vaste enclos antique comportant un réseau de salles et de galeries, souterraines ou en surface, enchevêtrées de manière qu'on puisse difficilement en trouver l'issue », selon la définition canonique du dictionnaire.

   Et notre attrait pour ces « galeries souterraines », notre attirance pour ces enchevêtrements, ceci n’indiquerait-il, dans une manière de langage crypté, notre souhait d’exploration de ce vaste continent inconnu que constitue notre inconscient, ce dédale habité de la puissance des Archétypes qui déterminent notre conduite, font se diriger l’aiguille de notre boussole selon certains plans élaborés depuis des temps mythiques, inaccessibles ? Car il serait bien présomptueux de croire que nous possédons la suprême intuition qui démêlerait l’écheveau complexe de notre for intérieur (nous devrions écrire de notre « fort intérieur »), qui tirerait à soi le long et complexe fil d’Ariane, mais quel Minotaure nous faudrait-il tuer pour accéder à qui-nous-sommes en notre fond, celui-ci recouvert par la couche ombreuse des sédiments ? Nous sommes à nous-mêmes l’énigme la plus proche mais aussi la plus inquiétante qui soit. Nous n’avons nul recul et nous piétinons dans les méandres de notre propre marécage. Mais rien ne nous avancerait de procéder plus avant à notre psychanalyse sauvage.

   Maintenant, obligation nous est faite d’interpréter cette image placée à l’en-tête de l’article, de tâcher d’y trouver le possible chemin d’un sens qui puisse nous éclairer, nous extraire de la pénombre où nous végéterons tout le temps que nous n’aurons trouvé nulle réponse à notre interrogation. Il faut réduire le champ, nous rendre au foyer même de l’image grâce à un artefact qui mettra en relief ce qui, jusqu’ici, était inaperçu, irrévélé, laissé dans quelque ténébreuse oubliette.

 

Un petit bout de l’énigme du Monde

Détail

 

 

   L’intérieur de la première volute grisée, nous l’accentuons volontairement, nous y appliquons notre regard à la façon d’un myope, nous accommodons sur cette plaine qui dévoile petit à petit les plis de son étonnant palimpseste. D’un premier geste de la vision, nous apercevons un simple pullulement de signes, un lexique embrouillé, un message se dissimulant à même sa propre complexité. Certes ceci nous égare, ceci nous disperse. Mais, tel un consciencieux Archéologue, nous nous armons de patience et nous nous livrons au merveilleux exercice du déchiffrement. Bientôt se donnent à nous les premiers sèmes, les premiers chiffres, les premières clés qui seront les sésames selon lesquels rencontrer ce monde mystérieux. Ce que nous voyons, une suite de prénoms gravés dans l’enduit :

 

ARTHUR

LE, lettres inscrites dans un cœur

PEDRO

LOU, au centre de l’image

MARIE

LEKHA

J+S+M

Nous y devinons GALINHA

 

Puis un semis de lettres

Au hasard, comme pour mieux

Egarer les Curieux, les Indiscrets

Que, sans doute, nous sommes

Vous, Moi, les Autres

 

   Ceci trace un nœud sibyllin de graphies plus que de mots, ceci appelle les hiéroglyphes, ceci fait émerger les Langues de l’Origine, les vocables sémitiques, le Syriaque, l’Araméen, l’Hébreu, expressions bibliques d’une venue de l’Homme au Monde, messages par-delà l’espace et le temps dont, sans doute, nous devrions déduire le lieu de notre provenance à tous, ce creuset immémorial dont nous n’avons plus souvenir, sauf cette babélisation de l’Univers, cet émiettement du sens, ces constellations de signes qui clignotent depuis l’infini et nous rappellent notre position d’Homme parmi la profusion du vivant, la multiplicité sans fin des postures de l’exister. Il y a toujours une grande émotion à se sentir reliés à plus loin que nous, à plus haut que nous, à plus essentiel que nous, ce Ciel qui palpite au-dessus de nos têtes, cette Terre qui fourmille sous nos pieds, ces Nuages qui caracolent parmi les lames d’air, ces signes de feu qui coulent de volcans, ces vagues qui font l’immensité Océanique dont nous ne sommes que les infimes gouttes, un fin brouillard parmi la confluence illimitée des Choses. Des hiéroglyphes nous sommes, que cette belle image vient révéler à eux-mêmes.

 

Un petit bout de l’énigme du Monde

Source : Histoire et Civilisations

Anciennes.

 

 

   Des volutes initiales du Fort à ces belles images hiéroglyphiques, en passant par ces « inscriptions amoureuses » gravées au sein même de l’exister, en réalité nous n’avons fait qu’accomplir la complexité du trajet humain parmi les heurs et les malheurs du vivant, parmi les joies et les peines des jours, parmi la plénitude et les retraits qui sont les lots quotidiens que nous rencontrons faute d’en pouvoir toujours maîtriser la signification.

  

Dans l’un de mes écrits précédents je disais :

 

« Exister, c’est comprendre »

 

Oui, prendre avec Soi

ce qui vient témoigner de

qui-nous-sommes

face à ce-qui-est.

 

 

 

 

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