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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 08:20

 

  Là, on entre vraiment dans le vif du sujet, on s'attache au fil rouge qui traverse "Les copains" du début à la fin, avec des digressions, des escapades, certes, mais c'est comme l'amitié, parfois il y a quelques nuages, des vents contraires mais, en définitive, tout revient à la case départ et l'amitié reste entière, peut-être même renforcée par les petits manquements, les minces dérobades. En matière d'amitié, de fidélité, Antoine Bellonte, alias "Blanchette", c'est l'étalon or, c'est la juste mesure, c'est la toise à partir de laquelle on établit son propre degré par rapport à l'altérité. Bellonte est inimitable parce que singulier. L'Autre est son oxygène.  Et,  quand un quidam a fait la connaissance de "Blanchette", tout de suite s'établit ce fil invisible, aussi ténu qu'un fil de soie, mais tout aussi résistant, à l'épreuve du temps, de l'espace. C'est ainsi, avec Bellonte on est conquis, on vibre, on est au diapason, on veut son contact, on veut ses yeux pour miroir, ses oreilles pour y déposer quelque confidence, sa bouche pour y entendre le doux poème de l'amitié. Suivez donc Bellonte, vous avez tout à y gagner !

 

 

 

 

Bellonte = Hermès

 

 

  Pour ce qui est de ce brave Bellonte qu'on peut pas trouver plus aimable sur aucun coin de la terre, Jules Labesse, il lui en a trouvé un de surnom, un peu à la façon de "Moïse" pour le chat et, pour Antoine, c'est "Hermès" qu'il a choisi. Oh, je comprends, dit comme ça, sans y être préparé, je comprends "qu'Hermès" ça peut sonner un peu bizarre à vos oreilles, ça fait même dans le genre mythologique et tout le monde est pas censé se marrer en entendant les noms des dieux de l'Olympe, et d'ailleurs, si ça vous choque les oreilles, vous pouvez toujours remplacer par "Mercure" qui est latin au lieu d'être grec, mais pour l'occupation en tant que dieu, c'est du pareil au même.

   Vous vous demandez sans doute pourquoi "Hermès", eh bien parce que Hermès ça lui va comme un gant au Bellonte, c'est presque un surnom taillé exprès pour lui. Si vous vous creusez un poil la tête, vous retrouverez vite qu'Hermès c'était le Messager par excellence, celui des dieux, le messager de la bonne nouvelle, même il symbolisait l'échange entre le Ciel et la Terre, il était le médiateur, celui qui assurait les voyages, les passages entre les différents mondes. Et Antoine, c'est pareil, c'est le genre à pas rester en place et ça lui file des démangeaisons d'être vissé sur un fauteuil, au coin du feu, alors il est toujours dehors à prendre le frais, à humer l'air comme un setter, à bomber le torse qui, présentement, doit être blanc lui aussi, du côté de la toison, à sillonner les rues d'Ouche, à commencer par celle de Madame Wazy, puis les Allées du Square, celles de l'Île du Foulain où y a un arboretum avec des arbres sans feuilles après le gel, puis, souvent il monte à la Gare, il s'arrête à la Poste discuter un coup avec les guichetières, même la petite stagiaire blonde elle aurait bien fait son affaire du temps où il avait vingt ans.

  Il va ensuite faire un tour à la Gare serrer les pinces des cheminots, aussi celles du Chef de Gare; après il fait un crochet par le Café du Départ, il va trinquer avec le patron, il cause un brin avec les types occupés à la belote et le problème avec Bellonte c'est qu'il connaît TOUT LE MONDE, et même ça marche en sens inverse, tout le monde le connaît et Bellonte il a toujours un mot gentil pour les petits vieux qui opinent du bonnet devant leurs portes sur leurs chaises à bascule, pour les chiens qui pissent dans les caniveaux, pour les types aux cannes blanches qui arrivent pas à trouver les clous, pour la boulangère qu'il visite quotidiennement, même ils parlent ensemble du temps qu'il a fait hier, du temps qu'il fait aujourd'hui et de celui qu'il fera demain, et l'Antoine redescend l'Avenue de la gare, il passe chez Dubreuil, l'ancien assureur à la retraite, et tous les deux ils causent de l'incendie de 54, celui qui avait pris à la Manu pendant l'hiver de l'Abbé Pierre, puis de l'inondation de 72, celle où le Père Dubreuil, enfin plutôt "La Providence" qu'il représentait, avait dû mettre la main à la poche, on avait du changer entièrement le fournil de Bouloche, même le magasin de vêtements de la Mère Gignoux il ressemblait aux entrepôts d'Emmaüs après le Déluge.

 Il est comme ça, Bellonte, il a un cordon ombilical en prise directe avec les Autres et c'est par là sans doute que lui arrive l'oxygène et c'est un vrai boulimique du social, de la main tendue, du dialogue permanent et personne ne se plaint de ses bavardages et même on les réclame et même on s'étonne et même on s'alarme si on a pas vu Antoine depuis trois jours, ce qui, par bonheur arrive jamais, et, si j'en ai parlé, c'est juste pour voir comment ça ferait si un jour ça arrivait; alors vous voyez bien que Bellonte on peut pas le réduire à "Blanchette", que toute sa sympathie grand ouverte comme les portes du Paradis on peut pas la ramener à la couleur de ses cheveux, que la flamme qui brille toujours dans ses yeux gris, c'est pas simplement dû à sa coupe en brosse, que ses amicales et vigoureuses poignées de main, elles ont pas grand chose à voir avec l'arc de ses sourcils semblable à de la cendre, que toute sa convivialité qui sue par chacun de ses pores c'est pas l'effet de sa façon de marcher, de mouliner avec ses mains, de remonter les commissures de ses lèvres; c'est plus profond, plus intime, ça vient du dedans, et faut pas s'y tromper aux évènements de surface, c'est juste quelques buées éphémères, quelques courants d'air passagers, peut être juste des miroirs aux alouettes.

 

 

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