Acryl
Léa Ciari
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Au seuil d’une nouvelle œuvre de Léa Ciari, nous voici soudain confrontés au vertige de notre Humaine Condition. Ce que révèle la toile, avec beaucoup de puissance, n’est rien de moins que la dimension abyssale qui nous porte au Monde en nous y soustrayant, d’emblée. Don et contre-don se percutent avec la sourde violence des affirmations hautement aporétiques dont l’Absurde, en sa nulle rémission, est la figure la plus exacte, en même temps que la plus terrible. Que, face à cette œuvre, nous soyons pour le moins sidérés, nul ne pourrait s’en étonner au motif que, sidération pour sidération, Celui qui nous en révélerait la teneur, s’exposerait à un identique châtiment, s’exiler de Soi pour le reste des temps à venir. Méditer sur cette toile au performatif clair-obscur (il nous obombre à seulement nous placer dans sa propre lueur), nous renvoie, par un simple phénomène d’écho, à un autre article que nous avions commis, de la même Artiste, au sujet d’une toile de texture équivalente. Son titre : « Le doute comme esquisse de Soi ». Avec la permission des Lecteurs et Lectrices, nous en prélèverons les extraits qui nous paraissent devoir confluer avec la présente expression plastique :
« La tête. Mais quelle tête ?
Le visage. Mais quel visage ? »
« Épiphanie humaine gommée, biffée à même son apparaître. Un grand, un immense silence s’élève de la toile, nous soustrayant à nous-mêmes, nous aliénant à cette mystérieuse apparition qui n’est jamais que le chiffre d’un questionnement infini. Le mien. Celui des mots traçant leur énigme sur le blanc du papier. Le vôtre, vous qui lisez et demeurez dans l’ombre même du geste interrogatif. »
« L’énigme la plus effective à laquelle nous nous heurtons, ce visage sans visage, cette sorte de masque de plomb, cette manière de tubercule nous faisant penser à quelque pierreuse condition, à une lourde minéralité. »
L’œuvre de l’article cité plus haut
*
Nous pensons que la mise en parallèle de ces deux images les place en un identique souci
de montrer l’invisible,
de dire l’indicible,
de toucher l’impréhensible
dit de manière différente, de faire émerger et porter au plein jour ce qui, jamais, par essence, ne saurait apparaître, à savoir le contenu « d’outre-noir » (expression soulagienne de ce qui toujours questionne à l’aune de son propre mystère), d’outre-réel métaphysique, cette buée imaginaire, ce pollen fécondant les esprits interrogateurs à la hauteur de cette curieuse absence logée au sein même du concret, de la matière, substance trouée au travers de laquelle nos consciences assoiffées de connaître au-delà des formes de pure évidence, d’autres formes dont nous supputons, à tort ou à raison, qu’elles pourraient nous sauver du naufrage. Tel se dirigera vers la Religion et ses figures, tel autre fera siennes les soi-disant vérités Philosophiques, tel autre enfin, portant les œuvres d’Art au mérite d’une « révélation », chacun donc se trouvera exaucé à une hauteur dont, jamais, il n’aurait supposé qu’elle pût exister. Et, bien évidemment, la liste n’est nullement exhaustive qui pourrait inclure les vertus de l’amour, les bienfaits des substances narcotiques, les ivresses du jeu, la pure fascination de l’argent, la jouissive possession des biens matériels.
Face à Face
Ou Visage à Visage
Et puisque nous sommes dans le registre des synthèses signifiantes, il ne nous sera guère possible de faire l’économie de la mise en relation du Portrait tel que traité par Léa Ciari, en regard d’un autre, tracé par Francis Bacon, « Portrait de Michel Leiris » dans sa galerie sans fin de subtiles et troublantes anamorphoses.
Nommons « Anamorphose » cet étonnant Personnage de Léa Ciari, dont nous pensons immédiatement que sa place serait dans un Musée des Illusions avec ses chimériques perspectives, ses nuageuses paréidolies, ses fantastiques bestiaires, ses multiples reflets en trompe-l’œil. Car, d’emblée, nous sommes totalement décontenancés dès l’instant où le paradigme de la forme humaine, se vêtant des habits diaprés d’une étonnante commedia dell’arte, c’est le Soi-même qui est remis à une essence biaisée, donc à une non-essence, à la mesure consternante, entre toutes, d’une simple chose du quotidien, contingence en tant que contingence et nul sens qui en découlerait. Si nous visons « Anamorphose » en son altération première, en son archaïque parution, en son possible état d’inachèvement, nous n’aurons guère d’autre posture que de nous situer au cœur même de cet Autre qui, toujours, est question. Mais ici, la dimension de la question est dépassée et, bien plutôt que ce soit l’Autre qui nous place sous l’autorité de son visage, c’est le Tout Autre que nous rencontrons comme antithèse de qui-nous-sommes, comme « désorient » de ce qu’est l’Être, comme rupture et abîme sans fond, simple halo hespérique se perdant sur les rivages de son apathique occident.
Énonçant « le Tout Autre », nous ouvrons, dans le derme existentiel, la sulfureuse plaie de ce qui, à notre humain horizon, ne se donne jamais que comme ce qui est accablant, inadmissible et, en dernier recours, inacceptable en sa figure la plus négative. Avec la sombre et torturée épiphanie baconienne, « Anamorphose » partage cette « inquiétante étrangeté » (équivalent de la Folie) dont un jour Freud eut la révélation, lors d’un voyage en train. Mais lisons Freud dans « L’inquiétante étrangeté et autres essais » :
« J’étais assis tout seul dans un compartiment de wagon-lit, lorsque sous l’effet d’un cahot un peu plus rude que les autres, la porte qui menait aux toilettes attenantes s’ouvrit, et un monsieur d’un certain âge en robe de chambre, le bonnet de voyage sur la tête, entra chez moi. Je supposai qu’il s’était trompé de direction en quittant le cabinet qui se trouvait entre deux compartiments et qu’il était entré dans mon compartiment par erreur ; je me levai précipitamment pour le détromper, mais m’aperçus bientôt, abasourdi, que l’intrus était ma propre image renvoyée par le miroir de la porte intermédiaire. Je sais encore que cette apparition m’avait foncièrement déplu. Au lieu donc de m’effrayer de mon propre double, je ne l’avais, moi tout simplement pas reconnu. » (C’est moi qui souligne)
L’index de ce bref extrait, s’oriente tout naturellement en direction de cette « révélation » : « l’intrus était ma propre image », ce qui veut dire que le Soi est devenu, à lui-même, son propre danger, d’autant plus inquiétant, qu’il est sans distance. C’est ce que nous désignerons comme « Folie » au motif que cette dernière, en son point le plus décisif, consiste à ne plus reconnaître son propre Soi, à être devenu étranger à qui il est, césure définitive de la conscience qui, bien loin de voir le réel en son unique figure, le scinde selon une étrange dualité :
être, tout à la fois,
Soi-même et un Autre,
à l’insu de Soi.
Voilà le Terrible en sa plus
verticale effectivité !
« L’unheimliche » ou « inquiétante étrangeté » est cette sensation d'angoisse face à quelque chose qui nous est familier, son être propre, ce qui, le plus cher, ne saurait admettre quelque faille que ce soit à l’intérieur même de sa forme, cette mesure insécable de toute normalité, de toute chose étayée en raison. L’irraison surgissant au cœur de la raison : voici l’aporie portée à son acmé, laquelle, jamais, n’autorise de retour en-deçà de la limite aliénante, castratrice, insensée.
Avant de tracer une galerie de portraits soumis au phénomène de la métamorphose figurale, arrêtons-nous un instant sur la délibération formelle de l’Artiste. Le fond est noir, sans doute une effervescence du Néant. Or, cette dimension fortement néantisante annexe toutes les parties de la représentation : à peine variation d’un illisible nuancier, Vert de Gris, Bleu Ardoise, Gris Acier, Argent. On aura compris que ces teintes, bien plutôt que de constituer le lexique minimal de la palette colorée, l’inclinent, sémantiquement, dans l’ordre de l’annulation, du refus, de l’antithèse, du nihilisme en sa définitive clôture.
Le Personnage (s’agit-il encore de ceci ?), ou bien son spectre, son simulacre, le Personnage donc est si peu réel dans cette zone cendrée, cette diagonale de faible clarté qui traverse sa face, simple lame d’étain tombée des toits de quelque cité fantomatique. Puis banlieue plus sourde, plus ambigüe, litigieuse, délimitant la partie gauche, seule l’oreille s’enlevant de la générale confusion. Quant à la partie droite, telle que vue par L’observateur, elle n’apparaît qu’en son décalage, son déplacement, sa diversion totalement cubiste, comme si cet insolite Protagoniste se multipliait selon diverses esquisses dont, cependant, aucune ne coïnciderait avec une forme anthropologique, dont aucune ne serait exacte, compréhensible, pouvant s’insérer dans la logique de quelque discours sensé.
Hauturière contradiction, discordance manifeste des parties entre elles, dissonance de tous ces éléments qui, dans une scène ordinaire, évidente, s’emboîtent selon l’équilibre, l’harmonieux, le réalisé dans le respect des règles de l’art. Tout Voyeur violemment confronté à l’aridité de ce tableau, à son natif désespoir, à sa primitive lacune, ne peut que ressentir ces ondes nocives, délétères qui, bientôt, sous un simple effet hypnotique, risquent de le ravaler, ce Voyeur, à l’étique condition racinaire dont, plus haut, il a déjà été question.
Un désespoir en entraîne un autre.
Une affliction en hèle une autre.
Une douleur en convoque une autre.
Assurément, c’est bien le pur Visage de la Folie qui surgit ici, de l’aspect d’incompréhension manifeste dont il est le virulent et implacable opérateur. Cette zone de l’image qui nous interroge si fort, qui nous met mal à l’aise, cette mesure équivoque, incertaine, hautement paradoxale nous paraît pouvoir coïncider avec les figures foudroyées de ces Génies d’antan, écartelés entre leur sublime exigence de hauteur et cette irréductible marge de réel borné, têtu, en laquelle leur puissance se dissolvait comme si, être touché par ces mérites hors du commun, ne pouvait se solder, pour ces tragiques destins, que par une chute dont nul ne se relèverait jamais.
Si Henri Michaux sut se retenir sur le bord de l’abîme, traçant seulement de sa plume ces fameux tracés mescaliniens, vibratoires, telluriques, mais finalement inoffensifs pour l’Auteur de « Connaissance par les gouffres », plus d’un succomba sous les assauts répétés et monomaniaques d’une génialité à l’œuvre : Antonin Artaud céda aux fascinations du peyotl ; Nietzsche s’ouvrit à sa démence à Turin, à la vue d’un Cocher brutalisant son cheval ; Van Gogh s’engloutit à même sa rage colorée, se suicidant dans un champ de blé d’Auvers-sur-Oise après s’être violemment coupé l’oreille ; Hölderlin, Poète des Poètes, termine sa vie en faisant le pitre dans sa tour du Neckar pour amuser les enfants du Menuisier Zimmer. Toutes ces exceptionnelles existences, peuvent, d’une façon métaphorique, s’inscrire en cette partie droite de la face si habilement peinte en cette manière de vibrato, en cette façon de sfumato, comme si un autre Génie, Léonard lui-même, avait tracé de sa main hautement inspirée, cette sorte de floculation du réel portant en elle, le revers de la Raison : la foudroyante Folie.
Image : bizarre dédoublement comme si l’Autre se dissimulait derrière soi, si l’Autre, pour lui-même, était Autre, emboîtement en abyme d’une étrange réalité étrangère à Soi et ainsi, tout essai de saisie du réel ne serait qu’illusion, décalage, perte du sens qui, toujours, découvrirait une strate qui lui serait antérieure. Conséquemment nulle Origine ne pouvant être atteinte comme si les choses, ayant toujours existé, nul acte de création, fût-il divin, ne pourrait être envisagé, que le mystère de la Présence demeurerait en son insondable faveur, qu’au fur et à mesure de la connaissance humaine, l’énigme reculerait, se dissimulerait, impossible épiphanie se dérobant au regard, à la main, à l’imaginaire. Toute mesure ontologique ne serait que projection sur un écran transparent qui ne garderait nulle mémoire des impressions fugitives qui s’y sont inscrites.
Le mode opératoire de tout phénomène, à commencer par le JE, ne serait nullement opération additionnelle, seulement soustractive, réductionnelle à son dénominateur le plus étroit, toujours en recherche de Soi. Soi prenant appui sur un Soi fugitif, le voile de la Léthé en recouvrant en permanence l’esquisse. Le Soi, en sa pure effectuation, paradoxalement, ne serait qu’une buée déposée à la surface des choses, un tutoiement léger de ce qui, le plus souvent fait sens, cette eau humaine en attente de s’ouvrir à son extériorité, à cette altérité dont il espère confirmation de son propre être.
Tout hors-de-soi en cette visée d’un temps infini, serait totalement aporétique car ce temps et les choses qui lui sont liées s’évanouiraient dans le déjà-passé avec la certitude que
toute vérité ne serait
que le dissimulé,
le rapporté à,
le différé, le plus loin
que sa sourde et
illisible apparition.
Le très fameux « Je est un autre » rimbaldien
serait la formulation la plus approchante
de cette « écume des jours », où, dans
une curieuse alternance substitutive
JE serait toujours un AUTRE,
où l’AUTRE serait toujours un JE,
la seule hypothèse vraisemblable
étant contenue en ceci
que c’est seulement
le PASSAGE de l’UN à l’AUTRE
et, corrélativement,
de l’AUTRE à l’UN,
qui serait la réponse à l’énigme.
Ceci, réinterprété en termes
de philosophie présocratique,
postulerait la chose suivante :
entre les rives Parménidiennes
fixes, stables, immuables ;
le flux du courant Héraclitéen
instable, toujours renouvelé
suivrait son cours.
Mais ni l’Un ni l’Autre ne pourraient
prétendre représenter la totalité du réel,
au motif que nul Fleuve ne pourrait
se passer de ses Rives,
pas plus que les Rives ne sauraient
se dispenser de Fleuve.
Jeu éternel du Mobile et de l’Immobile
Jeu constant de l’Informe et de la Forme
Jeu alterné du Chaos et du Cosmos
Nul objet du réel n’est autonome en cette visée, seulement dépendant, seulement nécessitant l’action fécondante de l’hétéronomie. Or c’est bien ce dernier concept qui paraît pouvoir revendiquer, sinon le dernier mot, ce que l’infini ne saurait tolérer, mais la constante réitération d’une nature à même son ressourcement éternel. La définition du dictionnaire précise son incomparable contenu :
« État de la volonté qui puise hors d'elle-même, dans les règles sociales, les influences, le principe de son action. »
Dans « règles sociales », entendez sa signification élargie de « règles de la Nature », car c’est bien elle, cette Phusis des Anciens Grecs dont l’étonnante manifestation nous met en demeure de répondre à cette entêtante question leibnizienne
« Pourquoi donc y a-t-il l'étant
et non pas plutôt rien ? »
Question amplement hypnotique qui ne tire son sens que d’une réitération à l’infini, jeu fascinant de miroirs, subtil jeu de renvois, et, dans le cadre d’une question humaine, simplement humaine, poursuite sans fin d’une ontologie narcissique :
réel en sa pure sphéricité,
réel à Soi l’origine et la fin,
réel à la fois centre et périphérie,
réel comme giration continuelle
d’un cercle herméneutique
dénué de tout horizon,
réduction à Soi des choses
en tant que leur clôture,
pur mystère,
indéchiffrable hiéroglyphe.
Or c’est bien l’inintelligible, l’abstrus, l’obscur en leur plus haute densité qui nous tendent ce visage :
Humain plus qu’Humain ?
ou bien Humain moins qu’Humain ?
Nous déciderions-nous pour l’une ou l’autre des hypothèses que nous demeurerions dans l’insatisfaction, l’incomplétude quant à la réponse que nous sentirions bancale, en porte-à-faux. Car ici l’Humain est si violemment questionné qu’il finit par ne plus connaître le lieu de son être, par flotter indéfiniment dans l’abstraction d’un monde sans attaches : erratique Figure, rien qu’erratique et plus rien au-delà qui se marquerait d’une possible esquisse d’exister.
Le fil rouge qui traverse l’œuvre de Léa Ciari (que, du reste, l’on retrouve dans nombre de ses créations plastiques) est celui de la problématique, importante entre toutes,
de la relation du Même et de l’Autre.
L’ubiquité figurale, la morphologie duelle, la réverbération de l’être selon deux motifs distincts et cependant complémentaires, tout ceci pose les fondations, certes d’une esthétique, mais plus profondément, d’une éthique, laquelle ne peut que nous orienter vers la belle philosophie d’Emmanuel Lévinas. Å ce propos, d’Adama Coulibaly, cet extrait tiré « d’Émergence et reconnaissance : au cœur d’une analyse de la problématique du Même et l’Autre chez Emmanuel Levinas » :
« Levinas réinterprète la sensibilité à partir de la proximité et du contact, et voit en elle la source de la signification proprement éthique. C’est dire que la pensée du philosophe Emmanuel Levinas s’exprime dans une expérience de la rencontre, de la reconnaissance, de l’acceptation de l’Autre qui conduit à son inclusion. De ce type de rapport, se dégage l’épaisseur éthique indispensable à l’humanisation de la vie, trop longtemps affectée par le mépris, la haine, la violence meurtrière contre l’autre, orchestrée dans les guerres et horreurs du 20ème siècle. » (C’est moi qui souligne)
Certes, comment être Homme, être Femme, dans l’optique d’une reconnaissance de l’Autre après la barbarie de la Shoah ? L’évidence de l’Autre en son événement majeur, de l’Autre en qui trouver son propre accomplissement, et seulement en ceci, comment donc ne nullement renier une partie de Soi et en faire don à Qui-n’est-nullement-Soi ?
Nécessairement, toute idée de l’Autre
envisagée de manière exacte,
suppose, au sein même de Qui-l’on-est,
un retrait, une césure, sinon l’ouverture
d’une brèche en qui recevoir l’Autre.
Le confondant solipsisme en lequel nous nous abîmons en notre contemporaine société ne fait, bien au contraire, qu’écarter les bords de la brèche qui devient faille largement ouverte, abîme au fond duquel les valeurs de toute altérité ne peuvent que s’éteindre ou, à tout le moins, être affectées des inconsistances et des vanités d’un ego qui ne connaît plus ses limites, tant il veut briller, tant il veut coloniser tout ce qui n’est nullement lui. Affliction que tout ceci, sombre visage d’un constant nihilisme à l’œuvre. Et ici il nous faut reprendre dans les propos du Commentateur, cet extrait qui, selon nous, peut prêter à confusion malgré l’évidente générosité de celui qui les profère :
« l’acceptation de l’Autre qui conduit à son inclusion. »
C’est bien ce dernier terme « d’inclusion » dont l’interprétation peut poser problème. En un sens strictement métaphorique, pensons à l’inclusion d’une graine en son contenant.
Ou bien cette graine demeure en son herméticité et alors il n’existe nul échange entre le Receveur et ce qui est reçu, le caractère d’altérité réciproque demeurer entier, inentamé.
Ou bien cette graine affirme sa naturelle porosité et alors Receveur et ce qui est reçu partagent leurs donc réciproques et l’Altérité se confond avec la Mêmeté.
Et c’est bien cette dernière optique qui est la seule fondatrice de réel échange, d’agrandissement, l’Une par l’Autre de deux entités étrangères devenues un seul et même être, sans disparité, sans dispersion, sans différence. Simple harmonie heureuse de Soi. Nous concevons combien cette posture exsude d’Idéalisme plein et entier ! Mais, sauf à vouloir affecter à cet Idéalisme les stigmates définitifs d’un vice, convient-il d’en prendre acte comme d’un modèle sur lequel régler la précision d’une vue éthique, totalement éthique.
La représentation « d’Anamorphose » porte en sa troublante dimension de chatoiement, de diaprure, de moirage, cette belle et généreuse idée « d’inclusion » selon son versant d’accueil, d’intégration, de réceptivité ; l’autre aspect d’un revers qui pourrait être menaçant, s’estompant, se diluant en ce Gris-Bleu des lointains, simple réminiscence d’une tentation de scinder l’Être, de le découper selon de douloureuses partitions. Simple et évanescente réminiscence.
Visage, « porte-enseigne »
de l’inaltérable et irremplaçable
dimension de l’Humain,
cette Suressentialité !