Source : Encyclopédie Atypique Incomplète
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(Cette longue méditation est dédiée
à Patrick Geffroy Yorffeg
et à Léa Ciari
dont Je sais qu’ils consonent avec ceci qui, ci-après,
essaie de se dire en mode métaphysique.
Merci infiniment à eux de cheminer de concert.
Ainsi la solitude,
cet irréfragable horizon humain,
se partage et les pas deviennent
plus légers !)
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[En guise de préambule - Ci-dessous, un flot infini de Questions. Telles des poupées gigognes, elles n’ont de sens qu’à s’emboîter les unes dans les autres afin qu’une manière de sens puisse leur être attribué. Seulement la métaphore s’arrête au point même où les Poupées sont nécessairement finies, elles ont un début et une fin, une quantité au gré de laquelle elles trouvent leur propre place dans la loi des séries. Bien évidemment le questionnement métaphysique qui va suivre fonctionne selon un paradigme fort différent. Par définition le fait d’exister, et les questions qui lui sont corrélatives, sont en nombre infini. Toujours une question appelle une autre question.
Témoignent de ceci les questions itératives des jeunes enfants qui, vers l’âge de trois ans, se livrent à une véritable quête « épistémologique ». L’enfant veut savoir pour savoir. Ainsi fusent des interrogations qui, le plus souvent, demeurent sans réponse, questions sur les mystères de la Nature, la rotondité de la Terre, la Qualité physique des objets, l’attribution de Prédicats divers selon les catégories qui affectent les choses.
Bien évidemment, l’on peut vivre sans questionner. Du moins en apparence. La plupart, tel Monsieur Jourdain, interrogent sans le savoir.
Marcher est questionner
Aimer est questionner
Mourir est questionner
Le plus admirable, sans doute, la Question en tant que Question, la fameuse « variation eidétique » où les Essences interrogées, si elles ne répondent nullement, sont mises en demeure de le faire. Chaque question dégage un site, ôte l’inessentiel, si bien qu’un noyau dur se montre, lequel s’approche d’une apodicticité, d’une vérité pour soi. Questionner est déjà répondre !
[Bon courage à ceux et celles qui liront jusqu’au bout.
Que Ceux, Celles qui n’ont osé lire s’interrogent sur leur choix.
Déjà, en eux, l’amorce d’une réponse.]
*
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Le Monde est Fou,
le Monde est devenu Fou
à force de confiance en lui,
à force de décisions tyranniques,
à force d’irrespect
vis-à-vis de la Nature.
Le Monde est devenu Fou.
Est-ce une fatalité ?
Est-ce inscrit
dans le destin de l’Homme ?
L’Humanité est-elle une essence
seulement provisoire ?
Existe-t-il une Éthique ?
La sacro-sainte Morale
a-t-elle encore des Droits ?
L’Altérité possède-t-elle
un miroir dans lequel
pouvoir nous regarder sans honte ?
L’Égoïsme n’est-il devenu
la Valeur Dominante ?
Les Choses viennent-elles
encore à nous
dans la Simplicité ?
Sommes-nous encore émus
par un Sourire d’Enfant ?
L’Amour s’inscrit-il
à la cimaise des fronts ?
Sommes-nous devenus
Insensibles au Sensible ?
La Philosophie a-t-elle encore
droit de cité ?
Quel vent souffle donc
sur les agoras des villes,
si ce n’est celui de l’ennui ?
Regardons-nous encore une fleur
avec quelque sympathie ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Éprouvons-nous une joie à nous plonger
dans la lecture d’un Romantique Allemand ?
D’un Novalis ? D’un Hölderlin ?
D’un Achim von Arnim ?
D’un E.T.A. Hoffmann ?
D’un Jean-Paul ?
Un vers de Victor Hugo
résonne-t-il parfois
dans la conque de nos oreilles ?
« Les Tournesols » de Van Gogh
nous disent-ils encore
la grande douleur
de l’Artiste Maudit ?
Le désarroi qu’il y a à créer
dans le champ vide de la Solitude ?
Un Arthur Rimbaud peut-il encore naître
et nous combler de ses « Illuminations » ?
Saurait-on encore aujourd’hui
s’énivrer savamment d’une Absinthe,
écrire un Poème à sa suite ?
Sait-on encore connaître
le monde pur de la Beauté
en lisant un vers de Racine ?
Le nom de « Phèdre » est-il, pour nous,
L’énoncé de deux simples syllabes
ou bien sonne-t-il encore
comme le sommet
de l’art de la Tragédie ?
Savons-nous au moins entendre
Dans le beau Nom de Calliope,
celle « qui a une belle voix » ?,
Dans celui d’Euterpe,
« la toute réjouissante » ?,
Dans celui de Thalie,
« la florissante, l’abondante » ?,
Dans celui d’Uranie, « la céleste »,
Dans ceux de nos vis-à-vis,
dans le nôtre,
la singularité qui nous échoit
telle l’empreinte
qui nous est la plus familière ?
Sommes-nous encore capables
d’assigner un lieu à la Culture,
d’élever un Temple
à la gloire de la Mythologie ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Sait-on encore cheminer
dans la Nature
et méditer sur Soi ?
Le fabuleux Siècle des Lumières
nous éclaire-t-il parfois en quelque façon ?
Éprouvons-nous encore une sorte de fièvre
à nous plonger dans un article
de l’Encyclopédie ?
Nous vient-il à l’esprit de regarder,
des heures durant,
une mappemonde,
d’y lire les noms
des merveilleux Pays :
Kirghizistan, Jordanie,
Yémen, Tasmanie,
Chili, Mauritanie,
de faire de ces noms
des poèmes,
de ces mots
des voyages,
de ces sons
des médiateurs
pour l’imaginaire ?
Sommes-nous capables de tout ceci
ou bien préférons-nous capituler
devant les fascinations
qu’exercent sur nous
les Sirènes de la Mondialisation ?
Eprouve-t-on jamais une joie à découvrir
dans les pages d’un livre ancien
tel rituel de tel Peuple,
telle image sépia nous disant
la vie des Existants sur Terre
en leur lieu, en leur temps,
les traits d’une singularité
aujourd’hui fortement menacée ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Parfois, au chevet de sa nuit,
se hasarde-t-on à lire
quelques pages des
« Rêveries du promeneur solitaire » ?
Sait-on encore apprécier
l’inimitable verve
d’un Denis Diderot ?
Dispose-t-on, chez soi
d’un Cabinet de curiosités,
fût-il aussi modeste
qu’une archéologie sentimentale ?
Éprouve-t-on un ressenti devant les rides
d’un visage patiné par les ans ?
Cette guerre de l’autre bout du Monde
nous concerne-t-elle
à la hauteur de son seul spectacle ?
S’étonne-t-on encore
du visage d’une pierre ?
Le chêne tors sur le plateau libre du Causse
nous parle-t-il la langue de la Vérité ?
Le lieu de notre coruscant désir
peut-il se déporter
de l’amphore d’une hanche,
de la gloire d’une poitrine,
se porter sur l’inaperçu,
le fuyant, l’illisible,
la nervure d’une feuille,
la blanche parution d’une racine ?
Peut-on encore rencontrer le Monde
sans fards, sans apprêts ?
Exige-t-on encore de Soi de défricher
quelque concept vertical ?
Sous l’apparence, perçoit encore
la profondeur ?
La Beauté nous visite-t-elle
à l’aune d’une esthétique
ou bien la contemplation
d’une simple chose
peut-elle nous combler ?
Avant d’en ressentir
le phénomène
en l’Autre,
perçoit-on la propre altérité
qui nous habite et nous divise ?
Nous sommes nous-mêmes
dans la plus pure des évidences
et cet Autre chanté si brillamment
par l’Auteur du « Bateau ivre »
est-il pour nous, autre chose
qu’une simple hallucination ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Sert-on la Technique bien plutôt
que l’on ne se sert d’elle ?
Sous les belles frondaisons de l’arbre,
percevons-nous les racines,
les tapis de fins rhizomes ?
Si le Monde est une Chair,
et sans doute l’est-il,
pénétrons-nous assez avant
de manière
à en connaître le suc,
autrement dit l’Essence ?
Chez Celui, Celle-qui-nous-font-face,
que remarque-t-on :
la beauté du visage,
le trait d’esprit,
la disposition d’âme,
la richesse intellectuelle,
la simplicité,
l’aisance à être Soi
parmi les objets du Monde ?
Est-on jamais assuré
d’être soi-même
en sa propre Vérité ?
Éprouve-t-on au moins
une pensée originale
chaque jour qui passe ?
Est-on si habitué à Soi
que l’on ne se sent
même plus exister ?
Quel miroir nous tend donc
la réflexivité
de notre conscience ?
Chez l’Autre, ne cherche-t-on,
prioritairement,
que la confirmation
de son propre Soi ?
Tous les rapports humains
nous comblent-ils
ou certains seulement
et de faible venue ?
Manions-nous l’hypocrisie
qui consiste à sauver notre âme,
à sacrifier celle de notre prochain ?
Combien de fois par jour dit-on
le verbe « Aimer »
avec une suffisante conviction ?
Le cadeau que l’on fait
n’est-il d’abord
à destination de Soi ?
Nous avisons-nous parfois
de créer du Nouveau
ou bien nous satisfaisons-nous
de restaurer l’Ancien ?
Dans le fil continu de notre existence,
un jour se lève-t-il qui nous trouve
au sein même de-qui-nous-sommes ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Que retient-on du passé,
sinon ce qui nous plaît, nous flatte,
nous désigne aux yeux des Autres
comme digne d’être considérés ?
Sommes-nous, chaque minute qui passe,
le fossoyeur de la précédente
ou bien ouvrons-nous
une Nouvelle Clairière,
y allumons-nous
une Nouvelle Clarté ?
Notre Être nous est-il présent
en quelque manière
ou bien nous contentons-nous
de dénombrer nos avoirs ?
Nos actes sont-ils spontanés
ou bien réfléchis ?
Sous le tyrannique
« Principe de Raison »,
laissons-nous parfois naître
le frais ruisseau de l’Intuition ?
Nous est-il déjà arrivé de faire
l’inventaire de nos Affinités ?
Demeure-t-on plus longtemps
que quelques secondes
devant le chef-d’œuvre
qui illumine la salle du Musée ?
Avons-nous déjà questionné suffisamment
la raison d’être de l’Esprit, de la Religion,
le sens de l’Histoire, les vertus de la Philosophie,
apprécié en son fond la richesse de la Littérature ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Pour nous, le Néant
est-il autre chose
qu’une simple abstraction ?
L’éprouvons-nous en nous
tel cet Être indéfinissable
après lequel nous courrons
sans jamais pouvoir l’atteindre ?
Avons-nous déjà déterminé la nature
de notre Ton Fondamental ?
Ou bien considérons-nous cette notion
à la façon d’une pure invention de l’esprit ?
Parfois la Solitude, chez nous,
a-t-elle été synonyme
d’un rayonnement subtil de la Joie ?
La Tolérance est-elle tolérance
eu égard à nos propres idées
ou bien accordons-nous une place
au sentiment,
au ressenti
de celui-qui-nous-fait-face ?
Notre nécessaire Subjectivité n’obère-t-elle
le champ pourtant nécessaire de l’Objectivité ?
Nous sommes-nous avoué,
en notre for intérieur,
que notre Ego est la chose
la plus importante du Monde ?
Le Monde, est-il pour nous
un simple mot, une évanescence
ou possède-t-il un suffisant coefficient de Réalité ?
Au sein de notre psyché,
quelle position occupe le Réel :
en première instance
ou bien facultative, contingente ?
Dans l’échelle verticale des Valeurs,
qui donc occupe la première place :
Nous, l’Amour, la Liberté,
l’Argent, la Mort ?
Au cours de notre longue existence
n’avons-vous fait allégeance
qu’à nous-mêmes ?
Notre première pensée au saut du lit :
l’Amour, le Travail, le bol de café,
la situation du Monde,
nos douleurs, un immédiat bonheur,
la poursuite d’un rêve,
Rien ?
Est-il important pour nous
d’établir des catégories,
de poser ici tel objet, là tel autre,
plus loin une pensée,
plus loin encore un projet ?
Possédons-nous
un Panthéon personnel
dans lequel se trouvent
notre Livre préféré,
notre Tableau préféré,
notre Lieu préféré,
notre Qualité préférée,
notre Vice préféré ?
Nous retournons-vous au passage
d’une Belle Fille, d’un Beau Garçon ?
Quel genre de beauté nous émeut :
celle de la Nature,
de la Personne humaine,
de l’Art, de la Science, des Idées,
de l’Altruisme, du Dévouement,
du Simple en son dénuement ?
Le jugement des Autres à notre égard
nous importe-t-il au plus haut point
ou bien n’est-il qu’un vent passager
sans valeur aucune ?
Avons-nous déjà soutenu le pari
que nous pouvions nous améliorer,
modifier notre comportement,
sans aucunement perdre la face ?
Qu’est donc la survenue de l’Autre
d’une manière inopinée
au sein de notre confort douillet :
une rapide joie, une déconvenue,
un sentiment d’aliénation,
la volonté d’un pur rejet ?
N’estimons-nous trop souvent
et de manière égoïque
que le jugement de l’Autre
à notre endroit est le pur écho
de la mansuétude
que nous nous destinons
en propre ?
A nos yeux, tous les Autres
se valent-ils en droit
ou bien Certains, Certaines
recueillent-ils nos faveurs,
alors que d’autres ne reçoivent
nul accusé de réception ?
Sommes-nous suffisamment disposés
à cette suprême qualité d’Étonnement
qui fonde la Philosophie et, partant,
dessine la manière dont
nous nous orientons dans la vie ?
Lorsqu’une Joie nous arrive,
s’estime-t-on suffisamment comblés
ou bien pensons-nous que, toujours,
quelque chose manque
à notre complétude ?
Méditons-nous sur la Mort
en tant que la Mort,
chaque jour qui vient ?
N’éprouvons-nous,
au fond de nous,
cette irréfragable certitude
d’une immortalité dont,
depuis des temps immémoriaux
le don nous aurait été prodigué,
ce qui nous incline à penser
que les Autres seulement
sont Mortels ?
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER
Au lu de ces questions
dont nul n’épuisera
les possibilités,
ne se pose-t-on précisément
la question de leur vacuité ?
De toute façon le fameux
« cercle herméneutique »
est si vaste,
qu’une question entraînant de facto
une autre question,
jamais nous n’arrivons au bout
de nos propres interrogations
sauf lorsque l’étroite coursive,
lorsque le goulot terminal
de la Mort Vraie
nous saisit à la gorge,
étouffant dans l’œuf
et la Parole
et la Pensée
et ce Corps de Vanité
qui nous tient lieu de langage
et trouve son point final
dans cette Question Terminale :
le seul absolu qui soit.
Questionner, c’est questionner le Fondement.
Questionner, c’est questionner l’Origine.
Questionner, c’est questionner Qui-l’on-est
Qui-est-l’Autre,
Qui-est-le-Monde
QUESTIONNER