[Cette histoire est vraie mais elle a été réinterprétée de manière à ce qu’un travail d’imagination s’y appliquant, en même temps qu’une tâche de réflexion, le sujet y apparaisse comme une méditation sur la perspective écologique, de nos jours à la mode, mais bien trop souvent exposée à la manière d’un objet se trouvant dans quelque cabinet de curiosité.]
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Tous, en nous, nous portons quelque part la marque d’un arbre qui a été fondateur de notre histoire personnelle. Qui n’a jamais eu, gravé dans sa conscience, ce figuier auquel s’abreuvait sa gourmandise enfantine ? Qui son tilleul de cour d’école que courtisait le vol d’or des abeilles ? Qui son palmier, cheveux au vent, au sommet de quelque dune imaginaire ? Qui son olivier traversé de vent, avec la belle couleur cendrée de ses feuilles ? L’arbre, nous en sentons charnellement la présence, pareille à une mère bienveillante qui voudrait nous protéger des dangers qui toujours menacent et nous obligent à nous tenir sur nos gardes. L’arbre, nous en sentons en nous la troublante vibration, nos bras sont des branches, nos doigts des feuilles, nos jambes des troncs, nos pieds des racines. L’arbre et nous foulons le même sol, buvons la même eau, respirons le même air. De l’arbre à nous une seule et unique solution de continuité. Sans les arbres nous ne vivrions pas, eux qui propulsent en nous force et énergie, volonté et puissance, vivacité et souplesse. S’il fallait à l’humain le recours à une seule métaphore, elle serait ceci :
l’arbre est un homme immobile,
l’homme est un arbre mobile.
C’est à ce carrefour du sens que se trouve l’exister, c’est au sein même de ce chiasme que la relation des vivants connaît sa plus efficiente justification. Non seulement nous ne pouvons renier cette entr’appartenance mais nous nous devons de protéger les arbres, les aimer, les faire croître, nous abriter dans leur cône d’ombre bleu, cueillir leurs glands prolixes, les faire germer sur tous les horizons de la planète. Trop de déforestations sauvages, trop de massacres en masse de ces géants qui ne demandent qu’à vivre, à plonger le peuple de leurs racines dans cette terre accueillante, ouverte, fécondante. Chacun sait cette vérité mais peu s’y conforment. Mais laissons place à une histoire réelle qui pourrait bien ressembler à un conte, à une fable trop belle pour être vraie.
Julia a 23 ans lorsque, tout juste sortie d’un accident de voiture qui l’a immobilisée durant une année, traumatisée par cet événement qui a chamboulé sa jeunesse, la jeune fille décide de se lancer dans une quête spirituelle, cette quête qui se concrétisera par un engagement total au service de l’environnement. Dans les forêts du comté de Humboldt, en Californie, une Compagnie, propriétaire de milliers d’hectares, pratique des coupes claires parmi des séquoias géants. C’en est trop pour Julia qui ressent cette agression, sans doute de la même façon que celle qu’elle a eu à connaître lors de son accident. La jeune femme ne se résout nullement à constater les dégâts sans rien faire.
Témoigner est bien,
se révolter est beaucoup,
agir est mieux.
Les militants d’une Association d’Ecologistes étaient à la recherche d’une personne qui accepterait de vivre dans l’arbre durant une semaine afin que la Compagnie, interpellée par cet acte, veuille bien renoncer à ses coupes tout autour d’un arbre vénérable, nommé ‘Luna’, haut de 60 mètres, d’un diamètre de 6 mètres. Autrement dit l’un de ces ‘redwood’ qui, dans l’Oregon, ne sont nullement des exceptions mais constituent la règle. Une plateforme de moins de 2 mètres de côté, recouverte d’un abri, est hissée à 55 mètres de hauteur. Julia va y vivre 738 jours, ravitaillée par un jeu de cordes grâce auquel des provisions lui sont livrées. Elle dispose d’un téléphone cellulaire pour communiquer avec le reste du monde.
Vie imaginée de Julia lors de sa ‘retraite’
Julia est arrivée tout en haut du séquoia. Julia est arrivée tout en haut de son destin. On ne choisit nullement d’aimer un arbre jusqu’en sa chair la plus intime sans avoir été appelée de longue date à embrasser cette mission, à lui consacrer toute son énergie, à y déployer toutes les vertus dont son âme a la garde depuis le plus lointain du temps. On n’est pas Julia par hasard, pas plus qu’on n’est un arbre pluriséculaire sans y avoir été désigné par la puissance d’une singulière convergence. Il était inscrit quelque part, dans l’ordre du monde, que l’existence passionnée de Julia croiserait la non moins expansive force de la nature de Luna-la-Séquoia. Oui, c’est étrange cette nomination au féminin de l’essence de l’arbre qui, toujours, se décline au masculin. Mais comment savoir le sexe d’un arbre, il n’est guère plus perceptible que celui d’un ange. Cependant, le jeu subtil des affinités a réuni, ici, en plein ciel, deux natures féminines dont l’aventure, maintenant, sera commune, vies indissociables. Le jour très lointain où ni Julia ne vivra plus, où Luna aura été déracinée par un violent orage ou bien abattue par la cupidité des hommes, eh bien rien ne s’effacera de la relation qui aura eu lieu et qui sera éternelle. Seul l’amour, les sentiments ont une éternité. Les choses matérielles périssent pour ne plus jamais renaître. La mémoire d’une profonde affection, elle, ne meurt jamais, elle est inentamable au motif que les affects demeurent là où les enjeux, les calculs s’effondrent et ne survivent guère aux basses motivations qui, un instant, les ont fait se dresser au-dessus de la meute humaine.
Julia est arrivée tout en haut du séquoia. Elle est heureuse de cette situation qui paraîtrait à plus d’un étonnante, déroutante, sinon empreinte d’un brin de folie. Oui, décider de consacrer une partie de sa jeune vie à sauver un arbre est bien un acte de pure folie. Mais cette folie est celle d’en haut (évidemment) qui réduit à néant celle d’en bas, celle des hommes aux mains armées de machines qui scient, broient, détruisent les marées d’arbres, les réduisant en ces minces fragments dans lesquels ils ne pourraient reconnaître leur ancienne majesté, ces Seigneurs des cimes qui tutoient les nuages, dialoguent avec le ciel, jouent avec le vent, planent longuement dans les belles allées de lumière d’un éther sans fin. Jamais homme, fût-il grand et célèbre ne pourrait prétendre connaître de telles hauteurs, de tels espaces, de telles durées. Insignifiance humaine au regard de l’immense Nature dont il provient et pour laquelle il a si peu d’égards !
Julia est arrivée tout en haut du séquoia. Elle est Julia jusqu’au bout de son être, c'est-à-dire qu’elle sait ce que veut dire dépassement de soi, arrivée dans un site où tout résonne d’une merveilleuse amplitude. Le corps est vaste qui s’étend jusqu’à l’horizon et bien au-delà où sont d’autres hommes et femmes de ‘bonne volonté’, des consciences ouvertes, des cœurs disponibles qui œuvrent au bien de l’humanité, non à sa destruction. Arriver là où l’esprit, libéré de ses habituelles attaches, de tous ses soucis et tâches matérielles, trouve le lieu de son envol. Quoi de plus facile, alors, que de rêver à un destin lumineux des hommes, ces genres de fourmis pressées qui, tout en bas, du côté de la Compagnie, abattent sans compter des peuples entiers de grands cèdres rouges, les métamorphosant en de simples madriers, en d’étiques planches qui feront tenir debout les constructions de la fourmilière. Mais pour combien de temps ? Certainement pas pour l’éternité !
L’esprit haut tenu, enlevé, coupé des lourdes contingences, envisage un autre avenir pour les hommes que celui de mutiler ces princes de la forêt. Il y a quantité d’activités plus nobles où exercer son art. Arriver là où l’âme connaît une liberté immense qui consone avec les grands événements humains : les civilisations, les courants fondateurs de l’Histoire, les œuvres d’art, la ‘musique des sphères’, le sillage des étoiles où s’inscrit la lointaine et mystérieuse cosmologie. C’est cela se couper des hommes dans un sens éminemment positif : abandonner en rase campagne tous les motifs indigents de l’exister et se livrer avec passion (alors la passion est utile !) à une quête spirituelle, à une élévation de la psyché vers ce qu’elle peut atteindre de plus haut, de plus beau. Dès lors il n’y a plus rien qui contraint et fait dévier les beaux projets. Bien au contraire, tout s’allège de la pesanteur et c’est l’éclaircie qui survient, la lumière qui surgit de l’ombre, la joie qui émane de toutes choses et indique le chemin droit de la vérité. Oui, la vérité est ceci qui dit les choses justes et éclaire les âmes jusqu’à les rendre transparentes.
Julia est arrivée tout en haut du séquoia. La vue est immense qui survole l’océan vert des grands arbres. Leurs faîtes oscillent lentement dans la nappe vermeil du crépuscule. Leurs bouquets végétaux sont comme incendiés, mais leur ignition est belle parce que symbolique, poétique, immensément lissée d’une juste mesure. Là, la nature est belle, seulement livrée à son propre flux. Au loin on devine l’océan aux eaux mauves sur les rivages, bleu-marines vers les grands fonds, presque noires de nuit là où l’horizon bascule dans un autre monde, un mystère qui se referme et ne peut qu’être questionné, non connu des Existants, leur vue est trop limitée et ils demeurent aveugles à ces secrets qui tissent leur inconscient de rêves parfois lourds, agités. Julia ne vit pas au rythme des choses ordinaires, elle vit au rythme de l’univers, au rythme du cosmos, de ces balancements immémoriaux qui sont l’âme même des choses en leur plus grande profondeur. Elle en sent le bouquet multiple, l’étreinte souple, la force de marée au plein de son corps jeune et vigoureux amarré à l’immense lui-même, confondu avec l’infini.
Car alors on n’est plus séparée. Il n’y a plus de barrières, de limites. Le corps est devenu une sorte de vaste cerf-volant qui plane bien au-dessus de la peine des hommes, de leurs labeurs éreintants, de leurs sommeils lestés de plomb. On flotte aux quatre points cardinaux, l’espace vous traverse de ses doigts légers, on est livrée à la rose éblouissante des vents, on connaît en une seule et même sensation, le souffle nordique de la Tramontane, celui du Grec au nord-est, du Sirocco au sud-est, du Ponant à l’ouest et, surtout, on connaît son propre souffle intérieur, il est cette brise légère qui fait vibrer l’âme et donne à la voix ses chants les plus précieux.
(Le soir venu, Julia chantait-elle sous la dictée des étoiles, du point lumineux de Véga, de l’arc de Couronne Boréale, du poudroiement de Cygne ? Chantait-elle à vive voix ou bien fredonnait-elle intérieurement quelque comptine du temps de son enfance ? Ou bien demeurait-elle muette, totalement livrée au spectacle fascinant des lointaines constellations ?)
Dans sa nacelle hissée à 55 mètres de haut, allongée dans son sac de couchage, la Jeune Femme se livre à la contemplation de la liberté. Elle regarde longuement les tournoiements du pygargue à tête blanche, sa phosphorescence à contre-jour du ciel ; elle regarde le vol plané de la chouette tachetée, flocons sur un dais d’argile ; elle regarde le vol lourd du pélican aux grandes rémiges noires ; elle écoute le cri strident des goélands d’Aubudon. Elle est elle-même oiseau immergé dans son nid de plumes, au large des hommes, des soucis qui ceignent leurs têtes et emprisonnent leurs corps. La nuit avance lentement, le cercle de la Lune blanchit l’horizon, les étoiles girent, cela donne un peu le vertige et le grand mât de Luna-la-Séquoia tangue en douceur, genre de berceuse qui, bientôt, conduit au sommeil.
Parfois, au cours des longues nuits d’été, lorsque la température s’est élevée, de grandes trombes de poussière montent à l’assaut du ciel, de lourds nuages s’amassent, l’orage éclate parmi un déluge de gouttes et les éclatements blancs des éclairs. Alors Julia se réfugie au sein de sa nacelle. Elle laisse seulement une mince fente au travers de laquelle elle observe avec ravissement ce mince déluge. Elle se sait à l’abri, protégée. Au début elle craignait plus pour le séquoia que pour elle- même. Mais, malgré son grand âge, Luna est solide, fortement amarrée par son tapis de racines au sol d’argile. Tout comme le roseau de la fable, elle ‘plie mais ne rompt pas’. Ceci la rassure, c’est un peu la métaphore mettant en exergue ce qu’est une forme de résistance lorsqu’on veut vous abattre. Julia, en son for intérieur, pense qu’en la matière les hommes sont de bien plus redoutables prédateurs que les vents et l’orage réunis.
Julia est arrivée tout en haut du séquoia. Le jour se lève sur la canopée. Une grande houle bleue la parcourt que traversent des écharpes de brouillard blanc. On flotte infiniment dans une manière de voyage aux rives illimitées. Tout est encore plongé dans un lourd sommeil qui se confond avec la pesanteur de la terre, son immobilité. On se livre à quelques ablutions. On se sustente de quelques fruits qui ont été apportés depuis le sol au moyen d’un treuil. Seule cette corde relie Julia au lointain monde des hommes. Un peu comme un fil d’Ariane. A l’un des bouts les Militants de l’Association d’Ecologistes, à l’autre bout la frêle Julia. Faible mais ô combien déterminée. Elle restera des années s’il le faut, mais elle sauvera son amie Luna, cette géante aux pieds d’argile que la sauvagerie de la Compagnie livre à la vindicte de ses machines aux mâchoires acérées.
De son nid d’aigle, Julia aperçoit les bâtiments de la Compagnie, la vaste surface de ses toits, de ses entrepôts, les monticules de planches rouges qui sont les dépouilles des séquoias qui ont été consciencieusement abattus, sciés. Au large des bâtiments, d’immenses zones maintenant désertiques qui, autrefois, étaient peuplés d’arbres aux troncs démesurés, aux larges ramures. Des géants débonnaires qui ne demandaient rien, n’attendaient rien d’autre qu’un morceau de terre, la chute d’une pluie, le bourgeonnement d’un brouillard, le passage du vent parmi la cathédrale de branches. Au loin se fait entendre le bruit lancinant des tronçonneuses, comme une stridence de cigales aux mandibules d’acier, dévoreuses de tout ce qui vient à leur rencontre. Certes les sons sont atténués que ponce la hauteur, qu’abrase la fuite sourde des vents. Mais ils n’en sont pas moins un acide directement versé sur la peau de Julia. Parfois elle prie de toute la puissance de son esprit, d’une manière quasi-magique pour mettre un terme à la folie des hommes. Mais rien ne se produit que l’éternel retour du même et le temps prend alors le visage d’un destin acharné, douloureux, contre lequel nul ne peut s’ériger. Les puissances sont trop souterraines, occultes, pour que quelque volonté que ce soit en puisse inverser le cours.
Julia cherche à distraire sa pensée, à gommer en elle toutes ces aspérités du mal qui traversent son corps et, parfois, le rendent douloureux. Elle médite longuement, s’invente un autre monde bien différent de celui-ci, un monde ouvert sur le prodige infini de la beauté. Du haut de sa canopée elle envoie son esprit au plein de la forêt, elle y voit d’autres arbres, d’autres essences, celle des robustes épicéas à l’écorce rugueuse mangée de mousses et de lichens. Elle voit les massifs de laurier de Californie, les lances vertes de ses feuilles, les grappes jaunes de ses fleurs, un pollen qui vibre sous la clarté. Elle voit les éventails des fougères, les bouquets rose pâle des rhododendrons. Elle voit les feuilles brillantes des fraisiers du Chili, leurs pétales de neige qui entourent le soleil de leurs cœurs. C’est un peu comme de recréer un Paradis sur terre, de lui donner du sens, d’y imaginer un peuple gai d’hommes et de femmes seulement préoccupées d’amour, de beauté, de vérité. Elle sait bien, tout au fond de sa conscience, que ses projections imaginaires ne sont que des utopies, des châteaux en Espagne. Mais elle croit de toute la force de son cœur que les idées peuvent changer le monde, qu’il suffit de quelques âmes vaillantes attelées à la belle tâche de diffuser la connaissance, d’apprendre le respect de la Nature qui n’est, en réalité, que le respect de l’autre. Ce qu’elle sait, c’est que l’égoïsme est le moteur de bien des entreprises humaines, que l’homme passe le plus clair de son temps à lustrer son propre ego, à en brandir l’étendard partout où il peut déployer sa majesté.
Maintenant le soleil est haut dans le ciel, il fait sa couronne blanche éblouissante. La canopée résonne des milles bruits de ses oiseaux, de ses arbres, de la dilatation de leurs troncs, du glissement discret de leurs écorces, de l’avancée secrète des racines dans la nuit de la glaise. Ce sont ces seuls bruits qui disent la vie que Julia veut entendre, elle ne veut nullement percevoir la stridence des tronçonneuses qui sont les manifestations bruyantes de la mort. Oui, elle connaît l’éternel dilemme qui partage les hommes. D’un côté les tenants de l’économie, de la productivité, de la croissance, du soi-disant ‘bien vivre’. De l’autre côté, les théoriciens de la décroissance, les partisans acharnés d’une défense de la nature, d’un retour en arrière, s’il le faut, quitte à renoncer à un certain progrès, au confort qu’il prodigue.
(La Jeune Femme, sans doute, est-elle favorable à une écologie rationnelle qui fasse la part des choses. Ni l’économie, ni l’écologie ne peuvent être sacrifiées aux postulats excessifs de quelque dogme qui poserait l’une comme nécessaire alors que l’autre serait superflue. La réalité est complexe sur laquelle l’on ne peut agir qu’après que la raison en a analysé les exacts fondements.)
Epilogue
Les jours passent, les saisons avancent avec leurs rigueurs, leurs douceurs, leurs excès de lumière, leurs retraits de clarté aussi. La chaleur succède au froid, le brouillard à la pluie. Vraiment, Julia aura traversé avec courage toutes les épreuves du temps existentiel aussi bien que du météorologique. Inévitablement une telle expérience grave dans l’âme une compréhension nouvelle de l’existence. Sans doute apprend-elle à relativiser, à prendre un nécessaire recul par rapport aux événements. C’est en quelque sorte l’accomplissement d’un rite de passage, lequel réalise une rapide et étonnante assomption. En un empan de temps finalement très court, l’insouciance de la jeunesse, ses conduites parfois inconscientes, voici que tout ceci se trouve frappé de nullité, remplacé par une subite maturité dont le point focal sera constitué par la lucidité, cette vertu qui, le plus souvent, nous manque, à nous les humains. Nous devons apprendre à en apprécier l’essentielle valeur, à la diriger vers le bien commun qui est le socle de toute société juste, fondée sur l’équité, la reconnaissance de l’altérité. De ceci qui nous fait face : hommes, monde, nature. C’est au juste équilibre de ce triptyque que nous devons consacrer notre énergie. Tout ceci Julia l’a bien compris, l’a éprouvé à la manière d’une écharde qui se serait plantée dans sa chair, qui jouerait le rôle d’un utile aiguillon.
Lorsque, après cette longue odyssée sylvestre, Julia consent à rejoindre le sol, (bataille gagnée : la Compagnie acceptera de suspendre ses coupes sur la colline où croît Luna-la-Séquoia), ses jambes se dérobent sous elle comme si elles ne connaissaient plus la dimension de la terre sur laquelle, tout jeune enfant, elle a posé ses premiers pas. Cependant son visage est rayonnant qui témoigne de l’ouverture, de la transparence de son esprit. Ainsi sont les attitudes des humains lorsqu’ils triomphent du mal. Oui, abattre ces grands arbres au seul motif du profit est bien visage du mal. Tous, comme Julia, nous devons nous insurger et agir. Agir ? Peut-être consentir à mener une vie plus simple, plus humble, respectueuse des ressources de notre planète. Ferions-nous ceci, un grand pas serait déjà franchi !