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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 09:42
Comment paraître ?

Comment paraître ?

Il y a si peu de présence.

Les balcons sont vides.

L’air une à peine teinte

Posée sur la face des choses.

L’horizon est si flou

Qui absorbe le regard,

Dilue l’encre pâle des yeux.

Et la flamme des arbres

Sur le point de vaciller,

De s’éteindre.

Et la pluie jaune des feuilles

Comme un pastel s’effaçant

Dans la pliure du jour.

Que faut-il pour vivre ?

Lutter contre l’effeuillaison du monde ?

Ou s’incliner à disparaître soi-même ?

Bientôt la rouille aura gagné

Et le sol ouvrira son reposoir

Afin de dire la douleur

Partout répandue.

Nervures ossuaires

Dans la glaise compacte

Des hommes.

Alors le temps adviendra

Et nos mains grifferont l’air

Et nos bouches seront muettes.

Comment paraître

Dans notre effigie de buée,

Sinon à demeurer

Dans l’orbe de soi

Et de n’en point sortir ?
Comment ?

Comment paraître ?
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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 09:10

 

Vision intérieure.

 

perfection2

    Sur une page de : Marie P. Zimmer.

 

  La vision de cette image nous fascine et, plus nous nous appliquons à regarder, plus nous nous immergeons en elle sans bien comprendre pourquoi. Comme un mystère qui planerait longuement, une énigme à résoudre, le tracé de surprenants hiéroglyphes. Pourtant, nous cherchons, pourtant nos sens sont en alerte. Mais rien ne s'y imprime qui permettrait à notre vue oblitérée de se libérer soudain, dans le genre d'une révélation.  C'est clos, replié dans une spirale, inclus dans un bouton non encore parvenu à sa propre germination. Cela ne parle ni à nos sensations, ni à notre intellect, cela demeure à distance, cela se dissimule derrière le mur compact d'une vitre, cela se dissout.

  Mais pourquoi donc sommes-nous tenus à distance ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à nous inscrire dans la photographie et à y repérer quelque trace, quelque linéament qui, déjà, serait un début d'explication avec elle ? Pourquoi cette sensation d'éloignement, de rive non atteignable au seul empan de notre regard. C'est donc qu'il s'agit d'un problème d'une autre nature que celui d'une pure et simple perception. C'est donc qu'il nous faut mobiliser de nouvelles ressources, nous envisager dans notre rapport à l'image selon d'autres perspectives. Nous appliquant à un début d'interprétation, nous saisirons bientôt quelque chose de l'ordre d'une évidence.

  La figure féminine dont il est question émerge à peine d'une ombre compacte, enveloppante. Seul un cerne de lumière détoure le massif symétrique des épaules, fait quelques reflets sur le lisse des cheveux, se diffuse sur l'aire ouverte des jambes. Les mains, elles aussi, sont effleurées par une vague clarté. La proposition est si minimale qu'on la dirait presque située à la limite d'une parole, inaudible; une esquisse circonscrite à son propre tremblement. Et le visage, qu'en est-il du visage ? Mais nous ne nous étions même pas posé la question. L'épiphanie humaine est tellement identifiée à cette parution du regard, à cette effusion des lèvres, à la douce courbure du front, à l'aplat des joues, à l'éminence terminale du menton, à la fuite vers l'aval du corps. En un mot à ce qui, parce qu'unique, singulier, nous appartenant en propre, nous différencie, définit les contours les plus identitaires de notre être.

  Privés de visage, nous sommes comme dépossédés, renvoyés à notre tremblante effigie, à notre récurrent sentiment de solitude. Car, alors, comment ne pas se sentir exilés, hors-jeu, acculés à n'être que des objets sans vis-à-vis, des formes erratiques, sans boussole, sans cap vers lequel se diriger ? Le regard de l'Autre, pointe avancée de la conscience joue en écho, se réverbère sur le miroir que nous lui tendons. Or, ici, non seulement le visage s'absente, mais le corps également, tellement fondu en lui-même, fluide, inapparent, commis à une disparition qui se dessine en filigrane. Le corps glisse infiniment vers le domaine terrestre, cerné de finitude, ombré, si peu lisible. Seules les mains réalisent une manière de triangle en élévation qui voudrait dire l'ascension encore possible, le projet, l'accession à une hypothétique  liberté. Mais ceci ne suffit pas.

  L'Existante, non seulement se dissimule à nos yeux inquiets, mais assure les conditions mêmes d'une impossibilité que quelque chose  surgisse de l'extérieur, que du différent fasse signe, que l'Autre  se dispose à se manifester de quelconque manière. Rapport d'exclusion qui projette le monde des Voyeurs de l'œuvre dans une parfaite mutité. C'est pour cette raison que nous sommes habités de sidération, d'étonnement, c'est pour cela que nous demeurons, face à ce qui se dévoile tout en se voilant, dans l'attitude de l'égaré.  

  Autour de Celle qui apparaît avec retenue, les choses sont figées, reconduites à une nullité confondante. Le monde alentour se retire, se prive d'une indispensable présence, alors que la Figurante ne s'assigne qu'à sa propre visibilité intérieure. Rien ne compte plus que cette aire de nidification, ce retour à l'origine, ce ressourcement, cette longue contemplation  occupée d'elle-même. La partition qui se joue est un vertige qui se répercute en abyme, et ainsi jusqu'à l'infini : le Sujet regardé exclut l'Autre qui exclut le monde à son tour. Car il en est toujours ainsi, nous ne  voyons l'univers qu'à la mesure de cet Autre qui nous donne sens et possibilité de diriger notre regard vers lui, d'abord, vers les objets dont il nous fait l'offrande,  ensuite.

  Une autre manière d'aborder l'image aurait sans doute consisté à la doter d'une charge esthétique si forte que cette dernière aurait suffi à expliquer notre fascination.  Bien évidemment cette hypothèse aurait trouvé quelque raison d'exister. Cependant, ne mettant en exergue qu'une manière de beauté, elle serait demeurée en-deçà de ce qui cherchait à se dire, à savoir une vérité. Toute considération esthétique s'attache d'abord à établir un coefficient vraisemblable de réalité, alors que la dimension sous jacente à l'épiphanie d'un visage, d'un regard, donc d'une conscience emprunte la voie exigeante d'une éthique.

   Sous la beauté apparente, du reste indéniable de l'image, progresse à bas bruit, comme d'une façon subliminale, cette perspective creusant jusqu'aux fondements, à la racine même de ce qui se met en scène. Or, ici, il ne s'agit nullement d'une posture chorégraphique dont on aurait isolé l'instant dans une succession temporelle. Il y est question, d'une manière plus originaire, de méditation, peut-être de religion, de prosternation devant quelque idole. Si l'esthétique nous faisait entrer de plain-pied dans un exhaussement du profane, la prise en compte de cette magnifique posture hiératique nous projette dans la sphère du sacré. Nous ne saurions nous y soustraire qu'à l'aune d'une insouciante distraction.

 

 

 

 

                                                                

 

 

 

     

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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 09:48
Perdu de vous.

Perdu de vous dans le miroir du monde.

Oui, c’est bien cela, perdu

Et mon ombre est sans reflets.

C’est ici, près de l’arbre vert

Que je vous ai aperçue,

Un jour, dans le tumulte de l’heure.

Et jamais revue.

Il fait froid et mon âme pleure.

Vous reverrais-je ou bien ne serez-vous

Que cette hallucination,

Cette perte à jamais ?

Êtes-vous cette lumière

Qui court au ras du sol

Pareille au feu follet ?

Ou bien le vide qui m’habite

Et me fait douter de moi ?

Il est si douloureux de vivre

Et de ne le point savoir.

Je demeure, là où je suis,

Dans la contrée du vide

Avec vous logée dans ma chair

Et l’espoir, un jour,

De pouvoir saisir votre image.

Au moins votre image !

Perdu de vous.
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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 09:43

 

Sur un texte d'Eléa Mannell
La mort au fond de sa poche


 

   "Tout aurait pu se terminer là, à cette seconde précise! Quand les mots étaient sortis de nulle part, violents, inattendus. Tout aurait pu s'éteindre et finir... Tout est enclin à finir, n'est-ce pas? 
Elle aurait pu feindre de ne pas comprendre, de ne pas entendre. Elle aurait pu perdre pied et s'effondrer. Que fait-on quand ces mots-là scarifient le cœur? Quand tout entier, on saigne de les recevoir... ces coups, cette blessure, ce calvaire.
Mais elle n'était pas comme ça. Les mots, elle les a attrapés et les a rangés soigneusement dans une poche. Elle les a dissimulés aux regards des autres, s'en faisant un trésor ou un fardeau mais qui n'appartenait plus qu'à elle.
Une porte qui se referme et une autre qui s'ouvre. Un appartement au second sans ascenseur. Une plante verte à l'entrée et une toile de Charlotte Atkinson sur le mur. Il n'y rien de plus rassurant que le confort qu'on a créé.
Les premiers jours, -longues semaines- elle a pensé remuer ciel et terre entre le café et le dîner. Elle s'est dit qu'il y avait forcément un moyen, une alternative à tout cela.... Que tout ne pouvait pas lui être repris... sa vie.
Mais le temps est devenu précieux, partagé entre les allers-retours à l'hôpital où l'espoir s'éteint, où la réalité déchire. Et puis, la douleur... même superflue, mais si présente dans sa chair. Mais surtout ne pas pleurer... Il n'y a pas de larmes pour cela.
Le reste du temps qui lui était donné, elle l'a thésaurisé à la minute près. Profitant de chaque instant pour revoir les lectures d'antan, les jeux qu'elle aimait faire, les pâtisseries dont elle raffolait. 
Chaque instant du reste de sa vie n'a servi qu'à la rendre plus belle. Elle a étouffé la douleur et a réappris à rire. Le rire, c'est quand même quelque chose! 
L'espoir nait des rêves mais lui était-il encore permis de rêver? D'espoir, elle n'en avait plus pour elle. Elle voulait seulement que ces derniers moments soient les plus parfaits, qu'elle n'ait jamais rien à regretter. Même quand la vie lui reprendra ce qu'elle lui avait donné, elle veut sourire au lieu de pleurer.
La tristesse, le chagrin et le désespoir seront pour après. Elle n'a pas le droit de flancher, pas avant que la mort soit arrivée! Elle aura alors l'éternité pour pleurer.
Petit matin de printemps et elle ne reviendra pas de l'hôpital. Ce mois de mai, elle le passera là-bas, dans cet univers stérile où rien ne ressemble à son appartement, à ce qui la rassure, aux souvenirs qu'elle a créés.
Elle a juste pensé à prendre son vieil ours en peluche, où un œil manque mais plein des odeurs qu'elle aimait tant. Elle se cramponne à son histoire, à tout ce qu'elle a partagé. Elle se dit qu'il est bientôt l'heure.
Tout aurait pu se terminer là, à cette seconde précise! Quand la mort était sortie de nulle part mais attendue et plus redoutée. Tout aurait pu s'éteindre et finir... Mais tout ne finit pas vraiment.
Elle a laissé là, dans cet hôpital, sa vie, ses espoirs et ses rêves. Elle a protégé du mieux qu'elle pouvait ses derniers instants, a dissimulé le mieux possible la fatalité. Elle a partagé les rires plutôt que les pleurs. Elle a fait du reste de sa vie, des moments de joie et d'amour.
Elle aurait pu feindre de ne pas comprendre, de ne pas entendre. Elle aurait pu perdre pied et s'effondrer. Que fait-on quand la mort vous prend ce que vous avez de plus cher? Que fait-on quand la maladie vous prend votre enfant?
Elle a choisi le rire et les bons moments plutôt que la peine et les pleurs... Elle aura toute l'éternité pour se souvenir de la perte mais aussi des derniers moments qu'elles ont partagés. L'espoir naît encore après la mort parce que les nuits sont pleines des rêves qu'on fait encore."

 

Sur "La mort au fond de la poche".

 

  Les mots de la vie, du temps, de l'amour, de la mort sont les mêmes. Seulement la tonalité qui change, seulement la destination du langage. Qui fait ses orbes majuscules, ses menus entrechats. Mais aussi, parfois, installe le tragique dont les jours sont tissés. Alors surgissent au-dessus des têtes les mots-yatagan, les mots-faucilles, les mots-recourbés qui moissonnent les têtes. Le péril est grand de ne jamais se relever, de tutoyer l'abîme, de ne plus voir le jour, de ne plus sentir la clarté glisser sur sa peau avec sa musique légère. De sombrer dans une manière de néant, de longer l'ubac, de renoncer à l'adret, à son versant de soleil, à sa charge de plénitude.

  Puis on s'essaie à relever la tête, à rire, à décorer son appartement. On se rend compte que cela est possible, que cela est nécessaire, que, de toute façon le destin ne pourra s'inverser, on "se fait une raison", on s'invente une existence, on rêve. Mais jamais on n'oublie. Comme si la prochaine disparition de l'être cher n'était acceptée qu'à l'aune de nouvelles significations devant forcément apparaître, car, autrement, il n'y aurait plus que le vide et son éternel vertige. On joue avec le temps. On le ressasse pareillement à une antienne usée, on ressort des colifichets, un ours en peluche, on y trouve des odeurs, des fragrances qui disent le passé, mais aussi l'avenir faisant son mince tremplin, sa planche fragile à partir de laquelle prendre un nouvel essor.

  Pourtant le cœur est déchiré, pourtant le corps saigne, se révolte, se rebiffe, tous "ces coups, cette blessure, ce calvaire." La douleur est patente, omniprésente, vrillant les membres, forant l'âme, faisant partout, sur l'aire existentielle, ses marques au fer rouge, ses stigmates, ses cicatrices. Mais ce sont elles qui, désormais, vont donner sens à la vie, en tracer la douloureuse quadrature. De cet écartèlement, ni la chair, ni l'esprit ne ressortent indemnes; ils sont atteints dans leur tréfonds et il s'en faudrait de peu que ces apories ne deviennent les lieux insignes par lesquels un futur s'annoncera. La douleur comme matrice où faire émerger une manière de renaissance. Dès cet instant, dès cette prise de conscience à nulle autre pareille va émerger une nouvelle dramaturgie dont il faudra bien se résoudre à faire son quotidien. Et, tout au bout du sombre boyau, de la confondante ténèbre, du noir compact, soudain, comme une lueur vacillante, mais une lueur tout de même :

"L'espoir naît encore après la mort parce que les nuits sont pleines des rêves qu'on fait encore."

 L'utilisation de l'anaphore ou bien la reprise à la manière d'uns lapsus linguae du mot "encore"vient témoigner, s'il en était besoin, de cette conjonction des temps - présent des rêves, futur de l'espoir - dont l'Innommée (nous ne la connaissons que par "Elle")  est atteinte. 

  Beau texte qui nous entraîne bien au-delà de nous-mêmes dans la contrée du tragique dont nous consentons à faire l'hypothèse, sans le poser jamais  comme une possible réalité. A cette fin, il fallait un tel langage, économe, juste, exact. Le temps d'une lecture, nous avons été, bien malgré nous, cette Innommée dont nous avons non seulement habité la tunique de chair mais investi l'écriture vibrante, communicative. La force d'un texte est, toujours, de nous soustraire à la dyade espace-temps. Pari réussi !

 

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 10:25
Si troublant de passer…

Si troublant de passer

Et de ne rien voir, ne rien deviner.

De vous, là, dans cette antique demeure

Envahie par l’automne.

Vos cheveux ont-ils la couleur du feu ?

Celle des feuillages ?

Votre visage,

La teinte claire de la façade ?

Etes-vous romantique ?

Familière du Grand Meaulnes ?

Ou bien rationnelle,

Admirative des Lumières ?

Et ce gris de l’ardoise,

N’est-il pas la dominante de votre humeur ?

Une manière de dérive,

Des « Eaux étroites » à la Julien Gracq ?

Ô combien j’aurais aimé lire en vous,

Y déchiffrer la clé de votre mystère.

Tous les jours,

Je longe votre mur de pierres,

Avec, dans l’esprit,

l’écharde vive du doute.

Puissé-je ne jamais vous rencontrer !

Il est si doux de rêver !

Si troublant de passer…
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6 février 2015 5 06 /02 /février /2015 17:11
Si belle dans votre tailleur.

Si belle dans votre tailleur de laine grège.

A peine une apparition

dans le calme du parc.

Vous sembliez songeuse,

A mille lieues de vous.

Perdue, en somme.

Vous reposant, un instant,

Sur mon assise verte.

J’ai senti votre soie glisser,

Votre chaleur couler en moi.

Délices.

J’en étais retourné jusqu’en mon âme.

Oui, le bois a une âme, fût-elle invisible.

Vous dire dans quel chamboulement …

C’était la première fois,

cette abolition du temps

et la perte de mes propres limites.

Longuement, vous avez fumé

et je regardais les volutes

se dissiper dans l’air gris.

Et je pensais à ces heures longues,

Privé de vous.

Car vous alliez partir.

De cela je ne pouvais douter.

Partie et nul ne venait.

Sauf, parfois, un égaré

Lisant quelque revue.

Si longues les secondes

Dans le jour étroit.

Si immobiles

Les nuits privées d’étoiles.

Car, voyez-vous,

Il n’y a plus d’étoiles.

Aucune !

Si belle dans votre tailleur.
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6 février 2015 5 06 /02 /février /2015 11:43
Fiché dans la terre.

Ici, fiché dans la terre,

avec si peu d’espoir de devenir.

Vous passez et ne me voyez pas.

Vos yeux sont inféconds

et vos lèvres muettes.

Mon ombre est si courte

en ces temps hivernaux.

Bientôt, à mes pieds,

la flaque sera de rouille

Et mes branches dépouillées.

Nervures, seulement,

Mémoire de ce que je fus.

Votre silhouette est si fuyante

dans le jour qui baisse.

A peine plus que la fuite du vent.

Notre sort est commun.

Votre effeuillement,

Une affaire d’heures.

Le temps est si présent

Qui compte notre destin !

Fiché dans la terre.
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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 08:51

 

Le mot est vivant.

 

(Sur une citation de Sylvie Besson).

 

 1

 

 "Les mots ont une âme. Je ne parle pas seulement du mot parlé, avec le timbre que lui imprime la voyelle, et la forme, la vertu, l'impulsion, l'énergie, l'action particulière, que lui confère la consonne. Mais le mot écrit lui-même, j'y trouve autre chose qu'une espèce d'algèbre conventionnelle. Entre le signe graphique et la chose signifiée il y a un rapport. Qu'on m'accuse tant qu'on voudra de fantaisie, mais j'affirme que le mot écrit a une âme, un certain dynamisme inclus qui se traduit sous notre plume en une figure, en un certain tracé expressif. Tout aussi bien que le chinois, l'écriture occidentale a par elle-même un sens. Et sens d'autant mieux que, tandis que le caractère chinois est immobile, notre mot marche."

 Paul Claudel, Positions et propositions.

 

    Les mots. Sans doute est-il nécessaire d'en faire des marcheurs de l'infini. Car les mots transcendent les petites histoires individuelles, aussi bien les destins de haute lignée. Les mots sont une manière d'absolu, une figure de l'indépassable. Imaginons, sur toutes les terres du monde, sur les vastes agoras, au fin fond des slums, en haut des sommets conquis par l'homme, chez les femmes de petite vertu, dans les salons littéraires, les salles enfumées des casinos, l'enceinte des temples, le dedans des arènes alors que la mort se profile sous les traits inquiétants de Thanatos - s'agit-il du taureau, du toréador, de la foule des aficionados bouillant son langage intérieur en des cordes rouges ? -, les comptoirs des bars, les salles d'école, les rues où coule la foule en rangs pressés, les salles d'attente, les confessionnaux, les études de notaires, les assemblées de notables, les jeux des enfants sur la plage, les mots, disions-nous nous entourent de leurs essaims, tracent leurs arabesques sur nos fronts distraits, animent nos bouches d'étrange manière. Nous y sommes tellement habitués que nous ne les remarquons presque plus, qu'ils nous habitent "naturellement", ce dont nous nous arrangeons, le plus souvent à notre insu. Il en est ainsi de toute fonction humaine : locomotion, digestion, langage. Tout finit par aller de soi. Et ce qui devrait s'annoncer à nous avec quelque nécessité, nous le rangeons au rayon de nos préoccupations secondaires, finissant, la plupart du temps, par ne plus l'apercevoir.

  Voici pour la voixla parole, les conciliabules traversant les contrées du monde. En va-t-il différemment pour l'écrit, pour ces milliers de signes méticuleux, pressés, qui noircissent les pages de leurs trajets hésitants de fourmis, infinité de pattes et de mandibules, multitude de brindilles du savoir et de la culture parcourant en tous sens les allées de nos existences ? Certes, par rapport à l'énonciation orale, il y a signestraces, mince apparition matérielle, prolifération de hiéroglyphes, fussent-ils partiellement effacés sur les parchemins usés des palimpsestes. Si la réalité iconique de l'écrit semble lui conférer une prééminence par rapport à la simple profération orale, - ce qui semble être la thèse de Claudel -  ne serait-ce pas, tout simplement, en raison de son statut d'écrivain, lequel pose, sur la feuille blanche, une myriade de figures qui deviennent inévitablement familières, genre de prolongements du corps, pointes avancées de la main, concrétions visibles de la poïesis, création en acte, praxis infusant jusqu'aux neurones leur charge signifiante. Car l'écrivain est tissé de ces mots écrits qui constituent son ordinaire. Attrait, fascination, sourde angoisse de ne les voir plus paraître, un jour, aux cimaises des feuilles vides. L'écriture est une racine qui déploie ses ramures jusque dans le corps de celui qui lui donne acte. Comme dans "le lai du chèvrefeuille" : osmose de la liane et de son hôte. L'un ne vivant que par l'autre. La figure de l'écrivain tellement semblable à celle de l'aimable noisetier (Tristan) qui attend du chèvrefeuille (Yseult) enlacement et affinité végétale :

 

2 

 Source : RV Conte.

 

 

"Ils étaient tous deux

comme le chèvrefeuille

 qui s'enroule autour du noisetier:

quand il s'y est enlacé

et qu'il entoure la tige,

ils peuvent ainsi continuer à vivre longtemps.

Mais si l'on veut ensuite les séparer,

 le noisetier a tôt fait de mourir,

    tout comme le chèvrefeuille."

 

Marie de France - Chèvrefeuille.

 

  L'écrivain ne vit que par les mots dont, lui-même, est tissé jusqu'en son tréfonds. Exister est cette longue et continue profération de la ligne écrite, sa mouvance, ses pleins et déliés, ses taches et ses ratures, ses éclatements et ses retraits. Ecriture dont les patientes recherches graphiques  d'un Roland Barthes, - il était fasciné par l'œuvre de Cy Twombly, cette picturalité quasiment littéraire - nous donnent la mesure.

 

3 

Anne Herschberg Pierrot.

Genesis - CNRS Editions.

 

 

Et, dans le rapport au graphisme, à son essence quasiment tellurique, comment ne pas citer les tracés mescaliniens d'Henri Michaux, demandant à la drogue de lui fournir l'énergie poétique que, parfois, le réel lui refusait.

 

 

4 

 

 Henri MichauxArborescences intérieures, vers 1962-1964

Encre de Chine sur papier.

Sources : Traces du sacré - Centre Pompidou.

 

 

  Oui, il s'agit là, en effet, d'une véritable "arborescence intérieure", l'âme des mots envahissant  l'âme du poètel'âme des mots jetant ses efflorescences dans le corps en proie aux tumultes de la parole, à la turgescence du dire, à l'urgence de la profération. Car cela bouillonne, cela fuse intérieurement, cela fait ses jets sourds, ses mouvements de lave, cela attend le surgissement au plein jour des solfatares, des bombes trop longtemps contenues, des pierres ignées de la conscience, des "aérolithes mentaux" qui se meurent d'être confinés dans un silence étroit, dans la gangue de peau obtuse. Car les mots sont vivants, ils étirent leurs téguments, déploient leurs ramifications, s'invaginent partout où il y a possibilité d'accueil et promesse de fécondation, de germination, de manifestation. Le mot est plein, dense, compact, à la limite de la parution, sur le bord extrême de la donation, le mot est un funambule en équilibre, un corail en attente de livrer sa chair alors que les piquants de l'oursin appellent  la plume de l'écrivain, du poète, seuls investis du pouvoir de faire effraction, de signifier bien au-delà des significations mondaines, des paroles usées, des assertions indigentes.

  La poésie est ce merveilleux outil qui déclot les mots, fouille en eux jusqu'à en extraire la "substantifique moelle", le précieux nectar, l'essence singulière. Alors, lorsque le poème s'anime, que le dire devient essentiel, pure origine, les choses se décèlent car portées à leur acmé, à leur point ultime, à leur flamboiement. Le poème est pure gemme, transparence du cristal, agitation de phosphènes, brume au-dessus de l'étang, tremblement de l'aube, glissement crépusculaire, translation colorée,  "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu ", présence immatérielle, temps transfiguré, imaginaire libéré, langage quintessencié. C'est cela, "avoir une âme" et bien d'autres choses encore du genre de l'inaudible, de l'indicible, de l'impalpable. C'est un flottement entre deux eaux, un glissement d'araignée lacustre sur le miroir de l'eau, un scintillement de luciole, la courbe lisse du galet, la chute lente du grésil, l'effacement d'une écume, le diamant à peine esquissé du givre à la pointe des herbes, les trous infimes des étoiles dans l'encre nocturne, la blancheur de la lune, la pâleur du soleil au levant, un glissement de chauve-souris, le souffle d'une flûte andine, le vent dans la souple toison des vigognes, un soupir, une pause, le frais d'une fontaine cernée d'ombres bleues, la fuite du sable sur la dune, le balancement du palmier, le mistral dans les ramures de l'olivier, la lumière basse sur les étangs, le silence des tourbières, les pierres usées sous le ciel gris, la langueur des criques dans le déclin du jour, le cercle brillant des puits, le flux vert de la canopée, le rond de la lampe, "le vierge papier que sa blancheur défend". Or de quoi donc le papier se défendrait-il, si ce n'est de l'offense qui pourrait lui être faite, si, d'aventure, le Poète venait à être déserté par la Muse ? Car l'instant magique n'est rien d'autre que le poème se faisant sous le rond de lumière - on y reconnaître la présence inquiète de l'âme - mot après mot, rime après rime, dans une manière d'incantation, de chant premier, originel, puisant à même les ressources imaginales du langage, dans cet espace "intermédiaire", souple, ductile, amplement onirique, flottement entre deux mondes, celui du réel contingent, celui de l'idéel transcendant, alors qu'alentour tout disparaît, se métamorphose en une pâte infiniment malléable, glaise poïétique dans laquelle enclore toute la beauté du monde, toute la démesure dont l'inspiration vraie est tissée. C'est un vertige que de voguer en plein ciel, sous les ramures souples de l'éther, si près de la terre cependant, de sa couleur de braise assourdie, tout près de la glace vive des étangs, parmi la fusion unique des éléments. La mescaline de l'écrivain, l'absinthe du poète , la "noire idole" du romancier, ce n'est que cela devenir mot soi-même, se glisser parmi ses mouvances infinies, ouvrir toutes ses portes, inventorier tous ses passages, sonder ses abîmes, éprouver sa plénitude, son pouvoir infini de révéler à l'homme sa propre image, sa singulière configuration étoilée, car l'homme est constellation à la mesure de son langage. Cela est inscrit à même sa condition. Le poètel'écrivain sont là pour le lui rappeler, avec la seule force de leur œuvre, cette "âme des mots" dont nous sommes tous habités mais que, parfois, nous précipitons dans de sombres fosses carolines, pensant nous libérer, alors que nous procédons à notre propre aliénation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 10:43
Les petits chevaux de Tarquinia. Duras.

Marguerite Duras.
Source : Gallimard.








4° de couverture de l’éditeur.


«- Il n'y a pas de vacances à l'amour, dit-il, ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n'y a pas de vacances possibles à ça.
Il parlait sans la regarder, face au fleuve.
- Et c'est ça l'amour. S'y soustraire, on ne peut pas.»


Résumé du livre - (Wikipédia).


« Ce roman est le récit des vacances d'un groupe d'amis français, partis dans un village isolé d'Italie, coincé entre la mer et la montagne, où il n'y a rien de spécial à faire et où la chaleur est écrasante. Le lieu ne leur plaît pas, mais ils sont tous venus là, comme chaque année, pour suivre Ludi, l'homme le plus populaire du groupe. Les personnages, terrassés par la chaleur, ne font rien de leur journée que de se préoccuper d'aller à la mer ou non, de pouvoir lire ou non, et d'espérer la pluie. Ces vacances sont également l'occasion de remettre en cause leurs vies, et elles deviendront pour beaucoup un chemin de croisée.
En parallèle, le narrateur évoque l'histoire d'un couple italien âgé, qui vient de perdre leur fils, démineur, qui a été tué par une bombe. Le couple retrouve son corps, mais ils se refusent à rentrer chez eux, pour ne pas avoir à accepter la mort de leur enfant. Ils sont représentatifs du changement qui s'opérera dans la vie de beaucoup de protagonistes du livre. »


Les personnages et les enjeux.


Donc, réunis, comme dans un théâtre à huis-clos, dans une ambiance étouffante, deux couples, une femme célibataire, un enfant.

*Jacques et Sara, ainsi que leur fils ; Diana, une amie qui les a accompagnés en vacances.
* La bonne qui est la baby-sitter de leur fils.
* Un douanier qui est l’amant de vacances de la bonne.
* Jean, l’homme au bateau, qui sera lui aussi, un amant de passage pour Sara, l’espace d’une
soirée, sans retour possible.
* Les amis, Ludi et Gina, couple à la dérive qui ne parvient pourtant pas à la rupture.
* Deux personnes âgées, mari et femme qui sont venus récupérer les restes de leur enfant qui a
sauté sur une bombe.


Intense et monotone dramaturgie où les séparations potentielles entre couples sont exacerbées par une vie routinière, vacances perpétuellement reconduites et stéréotypées dont personne ne sort vraiment indemne. La détestation réciproque rôde entre les protagonistes qui ne vivent ensemble qu’à l’aune d’une manière de pesanteur sociale. Les femmes, d’une manière générale, ne trouvent pas les hommes dignes d’elles, habitées qu’elles sont par une haute idée de l’amour. Les vies conjugales sont minées par un constant ennui que reflètent des dialogues sans consistance, faits de tout et de rien. De la canicule, du rituel de la plage, du manque de variété des plats qui leur sont servis, de l’exigence qu’il y a à vouloir changer le monde, de l’attrait de l’inconnu, de l’inanité de l’amour vécu, comme s’il était simplement la dégradation d’une idée brillant au firmament et qui ne supporterait pas de chuter parmi les contingences. C’est surtout de cela dont il est question, de l’amour inaccessible et de son inévitable corollaire, cette pesanteur qui condamne tout individu à ne pas connaître la grâce.
Les postures sont intellectuelles, mais teintées d’un existentialisme désabusé dans lequel le sentiment de liberté se dissout lentement comme le morceau de gypse dans l’acide qui le ronge. Bien évidemment, le lecteur, la lectrice, familiers de l’œuvre durassienne auront reconnu le thème majeur qui traverse toute son écriture à la manière d’une queue de comète, aussi brillante qu’elle est illusoire. Tout part de l’amour et tout y retourne dans une manière d’éternel retour du même qui est la vie elle-même, sa nécessaire affiliation au principe de réalité, son passage sous les fourches caudines de la facticité. Car rien n’est jamais déterminé d’avance dont l’individu, projetant par avance son propre destin, pourrait être assuré. L’amour, cette sublime ambroisie par laquelle les existants cheminent sur terre, cette étonnante aimantation qui anime tous les mouvements, sous-tend toutes les actions, illumine tout parcours sous les étoiles, l’amour donc n’est jamais que cette pochette-surprise qui promet beaucoup mais tient peu. L’offrande est mince qu’enveloppe avec douceur l’épaisseur du papier de soie. Et, bientôt, le cadeau tant convoité ne laisse plus entre les doigts des amants que quelques nervures, le limbe est consommé avant même d’avoir été entrevu.
Ainsi s’écrivent les silences, les aveux tronqués, les faire-semblant, les supercheries, les hypocrisies de tous ordres, ainsi s’édifient les conventions familiales, sociales, bourgeoises mais aussi bien celles teintées de paupérisme qui affectent tous ceux, toutes celles qui ont voulu jouer avec le feu. Tout le monde n’est pas Prométhée et l’Amour majuscule est une vive brûlure. Il faut donc se résoudre à vivre dans l’humilité de soi, de l’autre et faire le deuil de ceci qui devait nous accroître mais ne fait que conduire à notre perte. C’est d’avoir eu les yeux trop grands que les amoureux sont punis. On n’est jamais comptable de l’absolu comme on le serait de minces événements tissant les allées de la quotidienneté. Il faut donc accepter de vivre dans une manière de « servitude volontaire » et faire sienne la phrase de Marguerite Duras qui sonne comme une prophétie :


«aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’amour»


Cette simple phrase anodine et chargée d’ambiguïté pourrait s’inscrire à la cimaise de l’œuvre de l’auteur à la façon d’une propédeutique. C’est, ici, toute une philosophie désabusée, désenchantée qui s’inaugure, dont chaque œuvre constituera une des possibles déclinaisons, harmoniques résonnant longuement dans tous les lieux que traverse l’expérience d’une écriture aussi puissamment originale qu’exigeante.


Lecture platonicienne des « Petits chevaux ».


Ici, le lecteur, la lectrice, doivent consentir à faire un nécessaire saut intellectuel afin de saisir en quoi cette œuvre de Duras - comme bien d’autres -, peut faire l’objet d’une soi-disant lecture platonicienne. A cette fin et dans l’esprit de coïncider avec le concept de Platon, il convient de réécrire la phrase en distinguant l’Amour Majuscule se référant à l’intelligible, de l’amour minuscule ayant trait au sensible dans son habituelle concrétude :


«aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’Amour»


Ce qui, en termes dépouillés de leur connotation cryptée, veut simplement dire que l’amour mondain, terrestre, ne peut tenir lieu d’Amour idéal, Absolu. Il y a donc constante tension, « dialectique » en termes platoniciens entre ce que nous vivons dans nos existences communes et nos désirs ou nos intellections qui nous portent bien au-delà des réalités ordinaires pour nous déposer là où, toujours, nous aurions rêvé d’être, à savoir dans le monde des Idées, des Formes parfaites, seules stations de l’Amour Majuscule. C’est ce que nous dit Platon dans Banquet 211c :


« Quand, des beautés inférieures on s'est élevé, par un amour bien entendu des jeunes gens, jusqu'à cette beauté parfaite, et qu'on commence à l'entrevoir, on touche presqu'au but ; car le droit chemin de l'Amour, qu'on le suive de soi-même ou qu'on y soit guidé par un autre, c'est de commencer par les beautés d'ici-bas, et de s'élever jusqu'à la beauté suprême, en passant, pour ainsi dire, par tous les degrés de l'échelle, d'un seul beau corps à deux, de deux à tous les autres, des beaux corps aux belles occupations, des belles occupations aux belles sciences, jusqu'à ce que de science en science on parvienne à la science par excellence, qui n'est autre que la science du beau lui-même, et qu'on finisse par le connaître tel qu'il est en soi ».


Donc, ce que nous voudrions connaître ce n’est rien d’autre que le Beau dont l’Amour est la condition et l’amour la voie d’accès à portée de la main, pour nous âme terrestre en recherche de celle que nous avons été - l’âme -, avant qu’un corps nous échoie jusqu’à notre finitude. La célèbre Allégorie de la Caverne nous fournit le modèle qui nous conduit « hors de ce qui devient, vers ce qui existe », chemin grâce auquel « ce qu'il y a de meilleur dans l'âme » accède à la contemplation de « ce qu'il y a de plus excellent dans la réalité ».
L’amour, (et sa forme quintessenciée, l’Amour) , s’il n’est pas la finalité, mais un moyen de connaître « ce qu’il y a de plus excellent » apparaît comme le seul médiateur nous permettant d’accéder à ce que nous recherchons tous, toutes, à défaut de savoir le nommer, le Beau par lequel accéder à cette immortalité dont, notre vie durant, pour l’avoir connue dans l’intelligible, nous éprouvons la vibrante et douloureuse nostalgie. L’amour donc comme véhicule et comme ascèse que Socrate savait utiliser pour initier ses semblables à la philosophie. Bien évidemment amour charnel à l’origine, lequel, par paliers successifs -l’exercice de la dialectique -, se métamorphose en amour de l’invisible, en beauté idéale, en réalisation ultime de soi, identiquement aux dieux qui furent connus lorsque l’âme se nourrissait des Idées au lieu supra-céleste.
Certes, le détour est complexe qui part de simples rencontres existentielles cernées de contingences matérielles quelque part en Italie au bord de la mer, en été, dans la suffocation et la monotonie des jours pour déboucher, loin, dans le monde éthéré des Idées platoniciennes. Ce que nous souhaiterions faire comprendre par cette analogie, c’est que le processus à l’œuvre chez les personnages durassiens, leur sens d’une intime dramaturgie, leur désarroi, leur désenchantement ne sont que l’envers de ce manque, de cette beauté que l’amour vrai porte à l’incandescence et qui, toujours, creuse de sa vrille nos existences dès que la mondanéité fait notre siège. Que l’amour s’absente, ne tienne ses promesses, aiguise ses incisives et nous voilà les mains vides, condamnés à l’errance, en proie à la plus vive des apories qui soit. Car personne ne peut vivre sans amour. C’est cela que nous dit Marguerite Duras, truisme dont, du reste, nous sommes éclairés jusqu’en notre tréfonds. Il suffit que la personne aimée s’absente pour que nous en fassions la cruelle expérience. Mais, ce que fait Duras, livre après livre, c’est nous délivrer cette entêtante antienne, laquelle nous dit que l’amour n’a de sens qu’à se métamorphoser en Amour, cet impossible, cet inatteignable. Et c’est une des raisons de la grande beauté de ses œuvres que de nous ramener à cela même qui nous obsède depuis la nuit des temps mais que nous oublions constamment : le Beau, autre nom pour la littérature, autre nom pour l’art.
Il n’y a pas de césure possible, de ligne de clivage qui ferait éclater l’être du réel pour le disséminer dans une multiplicité d’apparences et le rendre seulement visible sous la forme d’opinions, de vérités tronquées, d’ombres portées par de fuligineuses torches. Ce que Duras veut faire, par son écriture exigeante, c’est installer une manière de vision agrandie du réel, sortir de la Caverne, abandonner la vue étroite des illusions, des apparences, et regarder la pleine lumière, là où la vérité envahit le champ total de la conscience. On le concèdera, la tâche est immense, l’ambition littéraire démesurée et bien des lecteurs ne verront dans l’entreprise durassienne, dans ses phrases qui paraissent alambiquées, dans son style subversif et imprévisible que la projection d’un phénomène de mode, alors que c’est du contraire dont il s’agit. Duras, chercheur d’absolu à nulle autre pareille. A cette quête, il faut un talent exceptionnel, un courage exemplaire et ne pas craindre d’affronter ses détracteurs à coups de plume, à coups de gueule si nécessaire. Duras savait s’y prendre en la matière !


Les personnages et leur degré sur l’échelle de l’Amour.


Aborder ce qui, à l’évidence, n’est qu’abstraction, à savoir le degré atteint dans la gamme des sentiments ne saurait guère trouver de claire traduction que dans deux ordres : soit celui de la musique, soit dans celui de la figuration symbolique. C’est bien évidemment à cette dernière représentation que nous demanderons de nous éclairer afin que quelque chose de l’invisible apparaisse. A cette fin nous convoquerons l’image de l’arc-en-ciel avec ses deux appuis terrestres et son ellipse céleste. Chaque protagoniste y occupera ainsi une place déterminée selon la position qu’il aura acquise sur cette échelle des sentiments.

Les petits chevaux de Tarquinia. Duras.

Interprétation du tableau :


* Plus la position occupée par chacun des protagonistes réalise une ascension vers le haut de la courbe, plus leur amour se rapproche d’une forme d’absolu : l’Amour.
* A contrario, une position basse reconduit l’amour à sa simple relativité.


+ Sara et son fils sont dans une fascination réciproque.
+ Sara et Jean échappent au piège du quotidien en transcendant un instant de passion unique.
+ Les vieux vivent dans le suspens de la mort de leur fils.
+ Diana se réfugie dans une posture intellectuelle refusant toute relativité de l’amour.
+ La bonne et le douanier se précipitent dans un amour immédiat, naïf, sans lendemain.
+ Jacques et Sara vivent la lente décomposition de leur couple.
+ Ludi et Gina ont déjà dépassé les prémices de la perdition de leur couple.


On remarquera que ceux qui se rapprochent d’un Amour Absolu sont tous, sans exception, placés sous la loi d’un interdit :
+ Sara et son fils : interdit de l’inceste.
+ Sara et Jean : interdit de l’adultère. (Ils auront une aventure mais renonceront à la poursuivre).
+ Les vieux : interdit de faire l’impasse du deuil de leur fils.
+ Diana : interdit de profaner l’amour en le ramenant dans l’ordre des contingences.


Par simple principe des contrastes, l’amour relatif sera celui qui aura dépassé les interdits pour sombrer dans quelque aventure entachée de quotidienneté et d’ennui, car rien ne saurait s’élever à partir d’une liberté à laquelle on renonce. Cette liberté qui, en terme d’existentialisme, postule le projet comme dépassement de soi. Or, ni la bonne, ni le douanier, ni le couple Jacques-Sara, ni celui de Ludi-Gina ne construisent quoi que ce soit à partir de leur union. C’est même de l’exact opposé dont il s’agit : une entreprise de déconstruction dont les lézardes sont déjà plus qu’apparentes.
Ce que ce schéma met en évidence, plus que d’une règle morale qui dicterait aux individus leur ligne de conduite, c’est la liberté, une liberté faite d’une distance par rapport à l’amour afin que, de cette respiration, puisse avoir lieu quelque chose de l’ordre d’un Absolu. Entre Sara et son fils, entre Sara et Jean, entre les vieux et leur fils défunt, entre Diana et la possibilité de la rencontre, il n’y a jamais qu’une hallucination de l’amour, non le geste qui le porterait à s’actualiser de telle ou bien de telle manière. C’est ici que la phrase de Marguerite Duras prend tout son sens :


«aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’Amour»


Ce que les personnages de la dramaturgie mettent en scène, chacun à leur façon, selon la situation qu’ils occupent dans l’intrigue. Ou bien ils franchissent le seuil qui les fait sombrer dans la relativité amoureuse avec son lot d’ennui, d’alcool, de chaleur écrasante, de discours oiseux. Ou bien ils demeurent sur le seuil, tout près de la brûlure de l’Amour, aveuglés cependant par sa surpuissance. Personne ne peut regarder l’Amour, l’Absolu sauf à faire le saut dans le monde des Formes pures, des Idées et devenir une âme voguant dans les sphères de l’univers supra-céleste.
Ce que le graphique de l’arc-en-ciel met en évidence c’est tout simplement la leçon qu’enseigne l’Allégorie de la Caverne, à savoir qu’il faut se détacher des réalités sensibles et aller regarder au dehors, du côté de l’illumination de l’intelligible. Comme si, pour ce qui est des choses de l’amour, celui qui a valeur terrestre ne pouvait trouver sa justification que de celui qui brille au firmament des Idées et nous guide à notre insu vers le destin que, chaque jour, nous accomplissons, à défaut d’en apercevoir les lignes de force.
C’est à ce même cheminement symbolique que nous convient, dans une langue originale et une mise en scène dépouillée, « Les petits chevaux de Tarquinia ». Après tout, eux aussi ne sont qu’une représentation de cet Absolu que l’art nous propose avec la fascination qu’exercent sur nous les œuvres belles. Regardant ces chevaux nous sommes avec eux, immergés dans ce sensible qui, toujours, nous appelle, alors que nous nous situons, en même temps, au-delà, dans le pays du songe et de l’intelligible, là où l’Amour nous intime d’être en accord avec nous-mêmes afin que nous puissions devenir.




L’amour et ses dissonances.


Jacques et Sara :


« Depuis quelques années, lui dit-elle, quelquefois, la nuit, je rêve d’hommes nouveaux.
- Je sais. Moi aussi je rêve de femmes nouvelles.
- Comment faire ?
- Aucun amour au monde ne peut tenir lieu de l’amour, il n’y a rien à faire.
- On ne peut rien trouver, rien faire ?
- Rien, dit Jacques. Va dormir. »


L’enfant de Jacques et Sara :


« L’homme vit ce à quoi elle riait et il rit aussi.
- Vous avez un bel enfant, dit-il.
Je ne sais pas, dit Sara. Elle le lui confia avec un sourire : depuis la minute où il est né, je vis dans la folie.
- Cela se voit, dit-il doucement. »


« Elle se pencha, l’embrassa encore, respira encore - jusqu’au vertige - le parfum
ensoleillé des cheveux de son enfant.
- Je t’aime plus grand que la mer, dit-elle.
- Et l’océan ?
- Plus que l’océan, plus que tout ce qui existe. »


Diana :


« Tout amour vécu est une dégradation de l’amour, déclara Diana en riant. C’est bien connu. »


Jean :


« J’aime bien cette idée, dit Sara, d’avoir couché avec toi.
Il se pencha vers elle.
- J’ai envie de toi. Je voudrais là, tout de suite.
- [ …]
- Peut-être que je suis amoureux de toi. »


La bonne :


« Tout le monde à part eux deux, était contre elle. Elle avait beaucoup d’amants et à
chaque rencontre qu’elle faisait sa crédulité revenait, parfaite, inaltérable. »


Ludi :


« Sara ne répondit pas.
-Tu sais, reprit Ludi, c’est peut-être bien l’amour à la longue qui rend méchant comme ça.
Les prisons en or des grandes amours. Il n’y a rien qui enferme plus que l’amour. Et d’être
enfermé à la longue, ça rend méchant, même les meilleurs. »


Gina :


« Et si moi j’en ai marre, cria-t-elle, de vivre avec un homme qui rajeunit chaque jour ? Et
à qui chaque jour il pousse dans la tête une nouvelle folie ? »


La vieille :


« Ils devaient dormir – la dernière nuit avant d’emporter leur fils mort. La vieille, elle, ne
pouvait pas dormir, ou dormir comme une mouche, à la surface de sa douleur, dans l’odeur
âcre de l’incendie, au milieu de la pierraille noire de l’explosion. »


Les dysharmoniques de l’amour.


L’ennui :


« Dès son départ, sans attendre, Sara se remit à lire. La maison devint silencieuse. Mais les jardins tout alentour étaient déserts : depuis une semaine, les paysans ne les arrosaient que le soir. Et sur le chemin rien ne passait que les cars et de temps en temps, une camionnette, rien ne passait que du bruit et de la poussière. Et, entre-temps, seul le bourdonnement des frelons autour des fleurs dérangeait l’air épais, sirupeux, du matin. Et le soleil ne brillait pas, étouffé qu’il était par l’épaisse brume qui enserrait le ciel dans un carcan de fer. Il n’y avait rien à faire, ici, les livres fondaient dans les mains. Et les histoires tombaient en pièces sous les coups sombres et silencieux des frelons à l’affût. Oui, la chaleur lacérait le cœur. »


L’alcool :


« Elle voulut boire un autre bitter campari. Il en voulut un aussi. Il dit qu’il s’était habitué à cette boisson qu’il n’aimait pas du tout les premiers jours. Il y avait des choses comme ça, qu’on n’aimait pas les premiers jours et auxquelles ensuite on s’habituait jusqu’au plaisir et même parfois jusqu’à la nécessité. Ainsi je ne vois pas comment vivre maintenant sans bitter campari dans cet endroit. »


Les dialogues vides :


« Le soleil réapparut derrière son épaisse couche de brume. Il brilla un instant.
- Je le sais, dit Sara, même quand tu t’engueules avec lui, même à son propos, je le sais encore.
Diana ne répondit pas. Elle s’arrêta.
- Oh ! que je voudrais qu’il pleuve, dit-elle.
- Mais il va pleuvoir, viens, dit Sara.
Jacques et Ludi s’étaient retournés.
- On crève de chaleur, leur dit Sara.
Jacques regarda Diana avec un peu d’insistance, puis ils continuèrent leur chemin.
- Tu verras, dit Sara, un jour où on ne s’y attendra pas la pluie arrivera.
- On est toujours tenu de penser à quelque chose, et je ne suis plus tellement jeune, et j’ai rencontré beaucoup d’hommes.
- Je sais, dit Sara. Mais tu es toujours là à t’intéresser à l’histoire des autres. »

Les petits chevaux de Tarquinia. Duras.
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2 février 2015 1 02 /02 /février /2015 09:49

 

­"Entre, je t'écrirai".

 

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Nervures de soie,
Brisures de toi,
Aller envers les frimas,
Briser les éclats...

Vivre, me disais-tu
Mais comment vivre en oubli ?
Que chasse l'ennui
Quand le jour s'est tu ?

Entre, je t'écrirai
A fleur de mots,
A peur de peau,
Viens, je m'offrirai...

                             Marie P Zimmer.

 

 "Entre, je t'écrirai". Tu n'auras rien d'autre à faire qu'à demeurer en toi, dans l'attente du jour. Car tu es ombre, car tu es nuit à l'entour de mon corps attentif. Comment mieux te dire qu'en te reconduisant dans cette ténèbre dont tu sembles la matière même ? Mais, es-tu au moins saisissable autrement que par la pensée, autrement que par la parole ? Tes mouvements, je les sens effleurer ma peau, pareils aux filets d'eau de la cascade. Tout un ébruitement de gouttes, tout un fin brouillard tellement inconsistant qui glisse entre les doigts, se mêle à la soie des cheveux. Tu es le Passeur qui veille sur mes rêves, tu es le Médiateur qui me dépose sur les rives alanguies de l'oubli et, alors, tout se fond dans l'imperceptible, tout disparaît dans la matière souple de l'air. C'est un tel vertige que, t'approchant, je m'incline comme au bord de l'évanouissement. Une pure perte de ce qui aurait pu se laisser saisir mais qui, toujours, se dilue dans l'espace ouvert du monde. Alors mes mains sont orphelines, alors la conque de mon corps se mue en un dôme où ricoche l'impossible touche de l'être. Mais es-tu donc si diaphane, intemporel, immatériel que mes sens abusés se brouilleraient, mes yeux remplis de larmes comme l'outre d'eau claire ?

  C'est pour cela que, toujours, je m'abrite dans le recueil étroit du doute. Je me poste à la meurtrière de ma conscience, en arrière de la clarté, seulement détourée par l'ovale nocturne dont je sens la pesanteur de suie. Ne pas bouger, surtout ; veiller seulement, l'esprit vacant. C'est comme d'être dans le sombre boyau d'un tunnel et espérer, tout au bout, le surgissement du cercle de lumière. Le pur ravissement succédant à l'étreinte noire, angoissée. Il y aurait danger à sortir de soi, à questionner, à entrer dans le couperet tranchant du réel. Depuis mon refuge, l'existence, je l'entends faire ses pas de deux, ses entrechats, sa gigue éternelle. C'est tellement rassurant de s'imaginer simplement situé au milieu de soi, en arrière de toute sortie sur les plaines mondaines, là où souffle le vent de la folie des hommes.

  "Entre, je t'écrirai". Sans cesse répéter cette prière, peut-être cette supplique en direction du ciel habité du voile des nuages, de la terre souple au creux des dolines, des eaux souterraines faisant leur lacet de mercure dans la nuit des étangs. "Entre", comme l'on dirait "Sois", à tout ce qui voudrait bien figurer auprès de notre inquiétude à titre de certitude : la couleur incertaine de l'aube, le vol primesautier du papillon, le sourire de l'enfant, le jaune lumineux du safran, l'étincelle de givre à la pointe des herbes, le clignotement du lampyre, la corolle blanche du lys, l'éclat noir de l'obsidienne, le miroir des étangs et tout ce qui tient son langage infiniment compréhensible, immédiatement saisissable. Seul le simple, le dénué, l'infime le peuvent ce don immédiat, cette ressource faisant son nectar et alors, nous sommes au cœur des choses, dans leur chair intime, là où il n'y a plus rien qui divise, sépare, limite. Nous sommes au monde comme le monde est à nous. Et nous n'attendons plus rien que cette ouverture, ce dépliement infini de ce qui, avant, n'offrait à nos sens que la densité de ses nervures, le rugueux de son écorce, l'intrigue de ses racines. 

    "Entre, je t'écrirai". Cela, il suffit de le proférer à mi-voix, ou mieux, en silence parmi les voiles d'ombre et disposer l'œil de son âme derrière la fenêtre étroite à partir de laquelle enfin regarder. Regarder les choses, non seulement selon leurs silhouettes - les apparences sont si trompeuses -, mais les forer jusqu'à l'essence afin que, étonnés de la rencontre, nous puissions en tirer un savoir intime, non seulement pour nous, mais pour elles, les choses, parvenant ainsi à leur propre désocclusion. Comme une vision se reflétant dans sa propre image. Comme un prisme traversé de lumière se prend à rêver à la seule révélation des couleurs multiples. Comme le cristal se métamorphosant sous la pluie de phosphènes.

      "Entre", Mon corps est là à t'attendre qui plie sous le désir. "Entre", mon ombilic est la porte entr'ouverte disant le secret et la pliure de l'intime. "Entre" et tu seras sous le globe aux mille lumières, parmi les eaux d'un lac calme, tout contre la membrane souple du jour. "Entre", mes flancs sont une mer infinie où battent les songes du vent, où vole l'écume de grands oiseaux blancs. "Entre", je suis colline lissée de ciel, dune balançant ses oyats vers l'océan immense, ravine bordée de mousse,"Entre", je suis falaise habitée de lichens, ondoiement d'algues, cils vibratiles.

  "Entre", ton nom, je l'écrirai sur le khôl de mes yeux, le gris indistinct de mon nez, la braise vive de mes lèvres, le talc de ma gorge, le brun de mes aréoles, l'albâtre de mes flancs, le rubis de mes ongles, la nacre des genoux, l'argile des chevilles, la gemme de mes talons. Ainsi, en moi, tu auras ta demeure comme les cerfs-volants habitent le ciel, avec la souplesse des évidences.

 "Entre", tu écriras sur la courbe infinie de mon corps le POÈME que tu es, cette parole inépuisable que les hommes portent en eux depuis l'origine des temps, ce ressourcement dont, TousToutes,  nous voulons faire notre demeure mais, parfois, notre abri suffit seulement à loger la lame aiguë de nos incertitudes. "Entre" et parcours l'aire de ma peau des signes qui sont les étoiles à l'aide desquelles nous cheminons. Grave les hiéroglyphes de la connaissance, creuse les stigmates de la langue comme nos plus belles floraisons, imprime les tatouages polychromes de l'exister. Il n'y a pas d'autre secret que celui-là : accueillir en soi le Poème  comme une faveur unique. Sa vérité, écrire dans la chair de l'homme le dire silencieux du monde. Après, il n'y a plus que silence et recueillement.

 

 

A fleur de mots,
A peur de peau,

Viens, je m'offrirai... 

 

 

 

   

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